vendredi 26 janvier 2018

Hawaii 2018, J-6




Humeur grise ce matin, comme la météo, pluvieuse depuis des jours. Je marche pour aller prendre le bus pour me rendre en ville quand je me rends compte que je fais la gueule. Ça vous arrive aussi? Sans même un miroir pour le constater, vous savez que vos joues s'étirent en direction du sol tandis que la bouche dessine un sourire inversé...

De plus, j'ai mal au ventre: une anxiété que j'ai de la peine à transformer. Tout d'un coup je me rappelle de laisser entrer le Maître. Bam! Je change de registre! «Une journée AVEC le Maître» me dis-je et je l'oublie aussitôt car j'utilise maintenant mes ressources mentales pour prendre mon ticket de bus au distributeur. Choix du billet, la monnaie, et pendant que j'attends l'impression du ticket, je fais une petite parenthèse pour expliquer qui est ce Maître qui fait partie de ma vie consciente depuis plusieurs mois.

Je suis une chercheuse de sens — certains pensent que je suis allumée, mais ce que les autres pensent de moi n'est pas mes oignons — et ma quête m'a amenée à le rencontrer. Le Maître, pas le sens. (Quoique...)

Ce Maître, nous l'avons tous, c'est notre part de sagesse et de connaissance. C'est notre intuition à laquelle nous avons de la peine à faire confiance et qui pourtant se révèle toujours juste dès lors que nous l'écoutons. C'est l'ange sur notre épaule, notre âme lumineuse, chacun l'identifie et le nomme à sa manière et c'est dès qu'on cesse de le chercher à l'extérieur qu'on peut le rencontrer.

Il y a deux bus au terminus, le premier bus s'en va sous mon nez alors que je ramasse ma monnaie, pas grave, c'est justement l'autre que je voulais prendre. Il est à une vingtaine de mètres et je m'avance vers lui, mais voilà qu'il démarre et s'approche. Je stoppe, ...et lui aussi! Ah bon, je franchis donc la distance pour le rejoindre et je grimpe par l'avant où, jovial, le conducteur commence à m'expliquer qu'il doit s'arrêter «à la hauteur de la pastille orange, vous voyez, là». Effectivement, il y a une petite borne orange sur le trottoir et une jaune, plus en avant. Il m'explique que la jaune, c'est pour laisser la place aux bus rapides. Ils doivent pouvoir venir se mettre en tête de file et démarrer rapidement. Ce chauffeur est si sympathique que je me laisse volontiers embarquer dans ses explications détaillées, informations très utiles à l'usager lambda dont je suis. Quand il a fini, j'éclate de rire intérieurement. Voilà comment la joie de vivre en compagnie de son Maître attire les moments plaisants! J'en suis toute guillerette!

Je suis assise à ma place préférée tout à l'avant et j'aime bien y rester seule, car les sièges sont étroits. À un moment une femme renfrognée fait mine de s'installer à côté de moi, j'ignore exactement comment mais j'ai la nette impression de la décourager télépathiquement. De fait, elle va s'asseoir plus loin et je ressens un stupide sentiment de victoire. Deux arrêts plus loin, c'est une jolie dame âgée qui monte et elle est tout à fait décidée à se mettre sur la même banquette que moi. Son énergie est différente, tout douce, et puis je suis malgré tout bien élevée et civilisée et, dans une impulsion, je me lève pour lui laisser ma place près de la fenêtre en lui expliquant que je descends dans deux arrêts, ça m'évitera de la déranger à ce moment-là. Elle me dit que c'est très gentil, et nom d'un chien, elle a raison! Je ne me reconnais pas. Dans les transports en commun, je suis souvent dans mon monde à la limite de la misanthropie et de plus, ces jours, l'idée du long voyage que je vais faire bientôt me noue sporadiquement les tripes; ça m'énerve d'autant plus que je n'ai pas peur en avion et je n'ai aucune raison d'angoisser. Pour être honnête, si je me suis embarquée il y a longtemps déjà dans une quête de sens de la vie, c'est parce que je suis née flippée. J'ai eu très tôt des angoisses existentielles qui étaient physiquement douloureuses et qui généraient des idées très noires. Pour en sortir, j'ai enrichi quelques psys et divers gourous, je me suis surtout enrichie de connaissances et de convictions qui me rassurent et me donnent de la force. Aujourd'hui, je suis une grande fille sereine.

Pourquoi je raconte tout ça, moi? Ah oui: parce que ma quête avant tout, c'est pour me débarrasser de toutes cette sorte de peurs qui me clouent au sol et m'empêchent d'ouvrir mes ailes. De ce fait, la récente angoisse à l'idée du départ me les brise menu-menu, donc j'utilise les outils acquis au fil du temps pour m'en débarrasser. La «journée avec le Maître» est l'outil du jour pour balayer l'humeur chagrine de ce matin. Comment ça marche! Pas de prise de tête, pas d'intention spécifique, j'ai juste ouvert les portes et les fenêtres pour qu'il puisse rentrer, et voilà qu'il se manifeste par un chauffeur jovial et une mamie délicieuse. Il a tenu à l'écart la dame aussi renfrognée que moi quelques minutes plus tôt et je m'amuse à observer tout cela. Je jurerais que la météo s'est mise au beau!

Donc, oui, je repars: Kona, Hawaii, big Island, deuxième tour. C'est le voyage décidé l'été dernier aux USA avec Mary Beth et Hisako, les retrouvailles sont prévues pour le 1er février, dans six jours. Nous avons loué une maison sur Air BnB ainsi qu'une voiture. Le prétexte est une fois de plus un stage d'intérêts communs, mais quand nous en avons parlé, j'ai dit à mes amies, un peu par défi: «ah oui, mais si on retourne à Hawaii, cette fois, on y reste un mois». Elles ont dit d'accord. On y restera jusqu'au 3 mars...

C'est encore un peu tôt pour préparer les bagages mais suffisamment pour commencer à frétiller de plaisir. Je guette la météo: il y a onze heures de moins et 17°C de plus. Marrant, je souris!
😃