Lundi matin, panne d’internet.
La semaine commence mal, c'est grave.
Je vis sur internet, mon activité principale étant du télétravail.
Je me mets en mode dépannage et pars à la recherche de la cause de la panne. Ma mère avoue qu’elle vient de passer la poussière mais me jure qu’elle n’a fait que caresser les appareils avec le plumeau, impossible de les avoir déconnectés avec autant de douceur. Je la crois. Je vérifie les connexions, les prises, les fils, tout est en place.
Je conclus que c’est le effahi — pour «Fournisseur d’Accès Internet» et je compose le numéro de la hotline du Soleil Levant (nom de code de mon opérateur pour ne pas le nommer). Je tape 2 pour le français, encore une fois 2 pour un problème technique et 3 pour avoir un technicien. Une voix m’avertit que pour des raisons pédagogiques, cette conversation sera enregistrée, et puis mon tympan explose sous les décibels d’une symphonie aussi improbable que désagréable. J’attends. Longtemps. Je me dis que je vais mettre le haut-parleur et faire autre chose pendant ce temps; je me trompe de touche, je coupe la communication.
Je respire.
Je recommence. Mêmes numéros, même symphonie et cette fois, je fais gaffe, je mets les bonnes lunettes pour ne pas louper la touche haut-parleur du téléphone. Ma mère arrive un peu affolée, c’est quoi ce bintz? C’est la musique d’attente de la hotline, non, Maman, je ne peux pas mettre moins fort.
Enfin, on me répond, avec un fort accent asiatique.
— Bonjour, mon nom est Chen N’guyen, merci pour votre patience, que puis-je faire pour vous aider?
J’ai décidé d’être charmante.
— Eh bien vous pouvez dépanner mon internet…
Je lui raconte mes misères. Elle demande mon numéro de téléphone pour «m’assurer de votre identification». Mais comment donc! Elle veut aussi ma date de naissance et mon adresse, j’énumère mon pedigree de bonne grâce.
Elle est plutôt efficace, la dame. Elle vérifie la connexion de son côté, me demande de réinitialiser mon modem, essaye encore autre chose et finit par diagnostiquer que c’est le modem. En fait, c’est un vieux modem auquel j’ai couplé un routeur wifi, et c’est ce routeur qui a lâché. La dame efficace de chez Soleil Levant m’arrange le coup en deux coups de cuillière à pots:
— On vous envoie un nouveau modem avec wifi intégré, c’est gratuit, vous le recevrez demain.
Woah… Contente, la cliente! (C’est-à-dire moi.)
Que demander de mieux, franchement? Un jour sans wifi, je crois que je vais tenir le coup.
Sauf que le lendemain, pas de paquet.
Je tiens moins bien le coup que je pensais, alors dans l’après-midi, je rappelle la hotline. Les numéros, une nouvelle lésion tympanique, un accent nord-africain, cette fois. Je raconte tout et je demande si le paquet est bien parti la veille ?
— Ouiii oui. C’est parti, me répond le préposé sur un ton très rassurant.
Il ajoute que si le paquet n’est pas arrivé aujourd’hui, il arrivera sûrement demain. Bon sang comme j’ai bien fait d’appeler!
Sauf que le lendemain, toujours pas de paquet.
Après avoir impatiemment attendu d’être bien sûre que le facteur des paquets avait fini sa tournée même avec plein de retard et non sans avoir proféré à son encontre et à l’encontre de son employeur des pensées non avouables sur un blog public, je rappelle la hotline. Numéros, aggravation de la lésion tympanique, je vais finir sourde, c’est sûr, accent franchement noir. Le préposé, toujours charmant, me dit qu’un ordre a été donné lundi, que c’est sûr que le paquet n’est parti que mardi, et que s’il n’est pas arrivé aujourd’hui, mercredi, c’est sûr, il sera là demain. Toutes ces certitudes, c'est magnifique!
Sauf que le lendemain et le surlendemain, toujours que dalle. Jeudi, je décide de me reposer. Non, je n’appellerai pas la hotline, mon tympan n’y résisterait pas. C’est jour de Pleine Lune, je ne réponds pas de moi.
Mais comme vendredi, toujours rien, je rappelle une nouvelle fois avec l’intention chevillée aux tripes que c’est aujourd’hui qu’il se passe quelque chose, parce que le week-end sans wifi, ça va pas le faire du tout, du tout!
Les numéros, je ménage mon tympan en changeant d’oreille et en posant l’appareil à l'autre bout de la pièce et j’attends. Entre temps, j’ai lu la littérature reçue lundi de la maison Soleil Levant. Un bulletin d’inscription à un nouvel abonnement que j’avais méprisé sur le moment, seulement intéressée par la réception du modem promis. Soudain, une intuition me foudroie: qu’est-ce qu’on parie qu’ils n’ont rien envoyé du tout et qu’ils attendent une signature sur ce truc pour non seulement m’envoyer le matériel promis, mais me manger encore plus de laine sur le dos? La moutarde me monte au nez.
— Bonjour, mon nom est Daouda M’dala m’dala, merci de votre patience, que puis-je faire pour vous aider?
Je me contiens du mieux que je peux, mais je suis pô contente. J’explique une fois de plus toute mon histoire après avoir décliné à nouveau ma date de naissance et mon adresse, indispensables à toute poursuite de communication. Pauvre Daouda. Il va ramasser pour tous les autres.
Attention, mettons-nous bien d’accord: je n’ai rien contre les accents, je n’ai rien contre les opérateurs, qu’ils soient du Soleil Levant, du Gagnant Bleu ou de la couleur d’un fruit exotique, qui délocalisent leurs hotlines dans les pays du Magreb ou à Madagascar, je n’ai rien contre les jeunes et j’aime la différence. En revanche, rien ne m’énerve plus que l’incompétence, la bêtise et le mensonge et j'apprécie mieux une conversation de dépannage technique quand mon interlocuteur possède le vocabulaire pour le faire.
Il va y avoir du sang chez Soleil Levant. J’expose ma façon de penser à la fois à Daouda et à l’enregistreur. Je dis que je n’ai rien contre un nouvel abonnement, mais qu’on me le signifie clairement, que je constate qu'on me raconte des bobards depuis lundi, que je suis en manque de wifi et que c’est douloureux, et qu’est-ce qu’il a exactement à me proposer, lui, Daouda, pour que j’aie une connexion wifi MAINTENANT?
Il a une inspiration divine, il me suggère le shop. Peut-être que là, mais c’est pas sûr, parce que tous les shops ne le font pas, mais peut-être que je pourrais me faire prêter un modem en attendant que je signe l’inscription et que je reçoive le modem prévu avec ce forfait. Un truc génial, moderne, miiiiille fois plus rapide que tout ce que j’ai pu connaître jusqu’ici, qu'il dit. C'est pas ce qui m'intéresse, moi, je m’en fous, je veux un wifi MAINTENANT!
In petto, je décide de descendre en ville, et ils auront intérêt à me fournir un modem, sinon, je fais une prise d’otages, moi! Je précise encore à Daouda que je sais bien que ce n’est pas de sa faute, que je ne suis pas fâchée contre lui mais contre le Soleil Levant, et que ce serait bien qu’on raconte pas n’importe quoi aux clients. Non mais.
— Oui, Madame. Bien, Madame. Avez-vous une autre question?
Argh, la question formatée qui tue. Je suis sûre qu’elle est écrite sur une feuille devant lui et qu’il coche le petit carré à côté quand il l’a lue au téléphone.
— NNNNNNAN ! C’EST BBBON ! J’AI FAIT LE TOUR, LÀ !!!
Pardon, Daouda, c’était rien de personnel. Une mauvaise pleine Lune, c'est tout.
Dans l’heure qui suit, je me retrouve en face de Karim, au Soleil Levant shop. Un débutant. Décidément, le ciel aura testé ma patience jusqu’au bout. D’abord, il m’a dit qu’il ne croyait pas, non, qu’on prêtait des modems. Et il a tout de même posé la question d'un ton morne à son voisin qui a répondu sur le même ton morose. Il a dit oui, on prête des modems.
À partir de là, je suis redevenue la bonne fille bien éduquée qu’on connaît.
Mais ça me laisse songeuse sur les ravages des ondes wifi, tout de même…
La semaine commence mal, c'est grave.
Je vis sur internet, mon activité principale étant du télétravail.
Je me mets en mode dépannage et pars à la recherche de la cause de la panne. Ma mère avoue qu’elle vient de passer la poussière mais me jure qu’elle n’a fait que caresser les appareils avec le plumeau, impossible de les avoir déconnectés avec autant de douceur. Je la crois. Je vérifie les connexions, les prises, les fils, tout est en place.
Je conclus que c’est le effahi — pour «Fournisseur d’Accès Internet» et je compose le numéro de la hotline du Soleil Levant (nom de code de mon opérateur pour ne pas le nommer). Je tape 2 pour le français, encore une fois 2 pour un problème technique et 3 pour avoir un technicien. Une voix m’avertit que pour des raisons pédagogiques, cette conversation sera enregistrée, et puis mon tympan explose sous les décibels d’une symphonie aussi improbable que désagréable. J’attends. Longtemps. Je me dis que je vais mettre le haut-parleur et faire autre chose pendant ce temps; je me trompe de touche, je coupe la communication.
Je respire.
Je recommence. Mêmes numéros, même symphonie et cette fois, je fais gaffe, je mets les bonnes lunettes pour ne pas louper la touche haut-parleur du téléphone. Ma mère arrive un peu affolée, c’est quoi ce bintz? C’est la musique d’attente de la hotline, non, Maman, je ne peux pas mettre moins fort.
Enfin, on me répond, avec un fort accent asiatique.
— Bonjour, mon nom est Chen N’guyen, merci pour votre patience, que puis-je faire pour vous aider?
J’ai décidé d’être charmante.
— Eh bien vous pouvez dépanner mon internet…
Je lui raconte mes misères. Elle demande mon numéro de téléphone pour «m’assurer de votre identification». Mais comment donc! Elle veut aussi ma date de naissance et mon adresse, j’énumère mon pedigree de bonne grâce.
Elle est plutôt efficace, la dame. Elle vérifie la connexion de son côté, me demande de réinitialiser mon modem, essaye encore autre chose et finit par diagnostiquer que c’est le modem. En fait, c’est un vieux modem auquel j’ai couplé un routeur wifi, et c’est ce routeur qui a lâché. La dame efficace de chez Soleil Levant m’arrange le coup en deux coups de cuillière à pots:
— On vous envoie un nouveau modem avec wifi intégré, c’est gratuit, vous le recevrez demain.
Woah… Contente, la cliente! (C’est-à-dire moi.)
Que demander de mieux, franchement? Un jour sans wifi, je crois que je vais tenir le coup.
Sauf que le lendemain, pas de paquet.
Je tiens moins bien le coup que je pensais, alors dans l’après-midi, je rappelle la hotline. Les numéros, une nouvelle lésion tympanique, un accent nord-africain, cette fois. Je raconte tout et je demande si le paquet est bien parti la veille ?
— Ouiii oui. C’est parti, me répond le préposé sur un ton très rassurant.
Il ajoute que si le paquet n’est pas arrivé aujourd’hui, il arrivera sûrement demain. Bon sang comme j’ai bien fait d’appeler!
Sauf que le lendemain, toujours pas de paquet.
Après avoir impatiemment attendu d’être bien sûre que le facteur des paquets avait fini sa tournée même avec plein de retard et non sans avoir proféré à son encontre et à l’encontre de son employeur des pensées non avouables sur un blog public, je rappelle la hotline. Numéros, aggravation de la lésion tympanique, je vais finir sourde, c’est sûr, accent franchement noir. Le préposé, toujours charmant, me dit qu’un ordre a été donné lundi, que c’est sûr que le paquet n’est parti que mardi, et que s’il n’est pas arrivé aujourd’hui, mercredi, c’est sûr, il sera là demain. Toutes ces certitudes, c'est magnifique!
Sauf que le lendemain et le surlendemain, toujours que dalle. Jeudi, je décide de me reposer. Non, je n’appellerai pas la hotline, mon tympan n’y résisterait pas. C’est jour de Pleine Lune, je ne réponds pas de moi.
Mais comme vendredi, toujours rien, je rappelle une nouvelle fois avec l’intention chevillée aux tripes que c’est aujourd’hui qu’il se passe quelque chose, parce que le week-end sans wifi, ça va pas le faire du tout, du tout!
Les numéros, je ménage mon tympan en changeant d’oreille et en posant l’appareil à l'autre bout de la pièce et j’attends. Entre temps, j’ai lu la littérature reçue lundi de la maison Soleil Levant. Un bulletin d’inscription à un nouvel abonnement que j’avais méprisé sur le moment, seulement intéressée par la réception du modem promis. Soudain, une intuition me foudroie: qu’est-ce qu’on parie qu’ils n’ont rien envoyé du tout et qu’ils attendent une signature sur ce truc pour non seulement m’envoyer le matériel promis, mais me manger encore plus de laine sur le dos? La moutarde me monte au nez.
— Bonjour, mon nom est Daouda M’dala m’dala, merci de votre patience, que puis-je faire pour vous aider?
Je me contiens du mieux que je peux, mais je suis pô contente. J’explique une fois de plus toute mon histoire après avoir décliné à nouveau ma date de naissance et mon adresse, indispensables à toute poursuite de communication. Pauvre Daouda. Il va ramasser pour tous les autres.
Attention, mettons-nous bien d’accord: je n’ai rien contre les accents, je n’ai rien contre les opérateurs, qu’ils soient du Soleil Levant, du Gagnant Bleu ou de la couleur d’un fruit exotique, qui délocalisent leurs hotlines dans les pays du Magreb ou à Madagascar, je n’ai rien contre les jeunes et j’aime la différence. En revanche, rien ne m’énerve plus que l’incompétence, la bêtise et le mensonge et j'apprécie mieux une conversation de dépannage technique quand mon interlocuteur possède le vocabulaire pour le faire.
Il va y avoir du sang chez Soleil Levant. J’expose ma façon de penser à la fois à Daouda et à l’enregistreur. Je dis que je n’ai rien contre un nouvel abonnement, mais qu’on me le signifie clairement, que je constate qu'on me raconte des bobards depuis lundi, que je suis en manque de wifi et que c’est douloureux, et qu’est-ce qu’il a exactement à me proposer, lui, Daouda, pour que j’aie une connexion wifi MAINTENANT?
Il a une inspiration divine, il me suggère le shop. Peut-être que là, mais c’est pas sûr, parce que tous les shops ne le font pas, mais peut-être que je pourrais me faire prêter un modem en attendant que je signe l’inscription et que je reçoive le modem prévu avec ce forfait. Un truc génial, moderne, miiiiille fois plus rapide que tout ce que j’ai pu connaître jusqu’ici, qu'il dit. C'est pas ce qui m'intéresse, moi, je m’en fous, je veux un wifi MAINTENANT!
In petto, je décide de descendre en ville, et ils auront intérêt à me fournir un modem, sinon, je fais une prise d’otages, moi! Je précise encore à Daouda que je sais bien que ce n’est pas de sa faute, que je ne suis pas fâchée contre lui mais contre le Soleil Levant, et que ce serait bien qu’on raconte pas n’importe quoi aux clients. Non mais.
— Oui, Madame. Bien, Madame. Avez-vous une autre question?
Argh, la question formatée qui tue. Je suis sûre qu’elle est écrite sur une feuille devant lui et qu’il coche le petit carré à côté quand il l’a lue au téléphone.
— NNNNNNAN ! C’EST BBBON ! J’AI FAIT LE TOUR, LÀ !!!
Pardon, Daouda, c’était rien de personnel. Une mauvaise pleine Lune, c'est tout.
Dans l’heure qui suit, je me retrouve en face de Karim, au Soleil Levant shop. Un débutant. Décidément, le ciel aura testé ma patience jusqu’au bout. D’abord, il m’a dit qu’il ne croyait pas, non, qu’on prêtait des modems. Et il a tout de même posé la question d'un ton morne à son voisin qui a répondu sur le même ton morose. Il a dit oui, on prête des modems.
À partir de là, je suis redevenue la bonne fille bien éduquée qu’on connaît.
Mais ça me laisse songeuse sur les ravages des ondes wifi, tout de même…
:-) Et alors? Tu l'as souscrit ce nouvel abonnement Patoulete?!? :-P
RépondreSupprimerBon dimanche :-)
Bysance ;-)
Oui, j'ai souscrit. Mieux et moins cher, comme le veut la loi de l'obsolescence programmée où, pour une fois, c'est en faveur du pékin moyen :D
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