mardi 14 octobre 2014

Le monde de l'administration

Un monde vraiment à part...

Plus de deux ans que mon dossier traîne dans les administrations. Une pension à laquelle j’ai droit. Je me suis un jour adressée à la cantonade, il me semblait que ma situation était éligible pour une aide sociale. On m’a répondu que je n’avais droit à rien. Un peu déçue, je me suis résignée. Et puis un jour, une lettre d’une administration avec des initiales marrantes genre GROPAF m’écrit — je ne veux pas les citer nommément, pas folle, hé…! — que j’ai droit à quelque chose. Ah bon? Joie. Et acte: je remplis des cases avec des noms, prénoms, adresses et autres pedigrees et j’attends.

Longtemps.

Un jour, au bout d’un an, je me rappelle que j’attends et je vais aux nouvelles chez GROPAF.

— Ah, mais j’attends toujours la décision de la PTITBIT pour savoir combien je vais vous donner, me dit une préposée charmante avec gentillesse.

J’apprends ainsi qu’une autre caisse de compensation s’occupe de compenser. Parfait. J’attends donc encore. Et puis comme l’attente dure, je recontacte GROPAF. Pendant une saison, nous échangeons ainsi un contact bi-hebdomadaire, moi demandant quid? à GROPAF, elle relayant la demande à PTITBIT.

La saison passée et avant le milieu de la suivante, je décide de mettre mon grain de sel et de contacter moi-même la PTITBIT, en partie parce que la préposée de GROPAF est charmante et efficace, deux qualités devenues rarissimes chez les fonctionnaires, et que je me dis que l’union devrait faire la force et aussi parce que je commence à perdre un peu patience.

Je compose alors le numéro de téléphone de la  PTITBIT. Ça sonne.

Une fois et demie, et puis une voix automatique féminine répond:

— Bonjour, et bienvenue à l’administration administrative. Merci de vous munir de vos documents…

Merde! Mes documents. Panique. La voix continue:

—…un conseiller va vous répondre.

Argh, un conseiller va me répondre et je n’ai pas mes références sous la main, au secours! La voix n’a pas terminé:

— N’hésitez pas consulter notre site web, vous y trouvez des informations.

Et puis, la musique. J’avais oublié la musique des répondeurs administratifs. Je me demande s’ils n’ont pas étudié à fond la question pour trouver la pire musique, celle qui tend le système nerveux en moins de cinq secondes. Un bon truc pour couper l’envie de téléphoner. J'ai mis mon smarphone sur haut-parleur pendant que je fouinais à la recherche des mes documents, le son est de qualité plus que médiocre, ça fait un bruit infâme, cette soi-disant musique. Je suis déjà énervée quand la voix déclare:

— Tous nos conseillers sont actuellement occupés, nous vous invitons à renouveler votre appel.

Et paf, ça raccroche. Ah bon? Pas de menus à choix multiples ni de «tapez dièse»? Je suis surprise, mais au fond, je préfère.

Toujours déterminée, je recommence jusqu’à obtenir un conseiller. Non mais. Je recommence dix fois et dix fois, la voix me raccroche au nez. La onzième, après avoir répété toutes les phrases comme les dix dernières fois, la voix m’annonce ensuite une attente de cinq minutes. Victoire! Je suis dans la queue! J’attends. 

Je m’en fous, j’attends.

La musique m'énerve, je baisse le son. Je faisais autre chose en attendant, pas loin du téléphone et je me dis soudain que si je baisse le son, je prends le risque de louper le moment où on va me répondre. Je stresse. Je cherche une solution pour étouffer le bruit à la sortie du haut-parleur, mais c’est raté, autant baisser le son. Bon, tant pis, je supporte cette horreur, je suis zen, je peux rester zen, je respire.

C’est pratique un smartphone, le temps de communication s’affiche sur l’écran. Déjà 3:46 minutes, ça va pas tarder à être à moi, hé hé.

Pauvre naïve! La fois suivante, quand je regarde, on en est à 7:23 minutes. Pfff, pas terrible, leur estimation du temps d’attente, j’aurais dû m’en douter! Le temps continue à passer, la musique à m'assourdir et mes nerfs à peloter. Je me concentre sur ce que je fais pour ne pas ajouter un sentiment de perte de temps à mon énervement qui croît exponentiellement. Je n’ai pas beaucoup de patience dans ce genre d’opérations.

Mon esprit digresse et je médite en toile de fond sur les avantages modernes. Nous disposons aujourd’hui de technologies incroyables, nous pouvons téléphoner sans fil depuis des endroits improbables, les ordinateurs sont démentiellement performants et le moindre appareil informatique peut télécharger des applications pour TOUT. Non sans blagues, c’est génial, ça va de la météo en temps réel pile là où on se trouve y compris au milieu de nulle part aux cours en bourse à la seconde près, en passant par tous les petits jeux et divers outils marrants. En revanche, pour obtenir une information d’un fonctionnaire, c’est une tout autre histoire. Les appels arrivent sur une seule centrale, bien que chaque collaborateur puisse être aisément atteint individuellement et directement. Pas de téléphoniste au bout du fil, mais une voix enregistrée. Nos dossiers administratifs pourraient être centralisés, non, il faut remplir un dossier pour chaque service de chaque administration. Le sommet de l’incompétence. À croire qu’ils font exprès, mais dans quel but…? 

Quoi? 18:57 minutes d’attente déjà? Mais de qui se moque-t-on? Ah non, vous ne m’aurez pas, je ne lâche pas, je suis décidée comme jamais, j’attendrai jusqu’à ce qu’on me réponde! Pas question de perdre patience à ce stade de l’opération, mais tout de même, 19 minutes, ils sont gonflés!

À 22:38 minutes, la voix remplace la musique:

— Tous nos conseillers sont actuellement occupés, nous vous invitons à renouveler votre appel.

Et la communication est coupée.

Je pousse le cri primal.

— Noooooon !!!!!!!

Et là, pendant quelques minutes, je m’imagine me rendre dans les bureaux de l’administration et déverser un tombereau de fumier et de purin sur tous les bureaux. Hélas, lesdits bureaux se trouvent dans une autre ville, plutôt lointaine, et puis je ne dispose pas de fumier ni de purin. À défaut, j’attrape mon clavier et tape une lettre rageuse au directeur de ladite administration en réclamant un numéro de téléphone direct et le nom de la personne qui s’occupe de mon dossier.

Au bout de quinze jours, les deux administrations m’écrivent à un jour d’intervalle. PTITBIT me réclame un «certificat de vie afin de pouvoir vous verser votre pension» tandis que GROPAF réclame un relevé d’identité bancaire (ou RIB) original car ils n’acceptent par les fax. En pièce jointe, une image complètement déformée du RIB que je leur avais fait parvenir par mail deux ans auparavant à l’ouverture de mon dossier. Je renonce à comprendre, il y a longtemps que je sais qu’avec les administrations, le mieux, c’est de faire ce qu’on me dit sans utiliser mon QI. Je renvoie un RIB que je trouve encore attaché à un vieux carnet de chèques, tout en spécifiant qu’entre-temps, j’ai changé de nom. J'envoie un RIB tout frais téléchargé du site web avec le bon non, je le précise, et j’espère que de leur côté, ils utiliseront leur QI, eux (aussi minime soit-il).

Le certificat de vie est un papier intéressant: il certifie que vous êtes en vie. Pour cela, il faut aller à la mairie de votre domicile et demander à la préposée de tamponner un formulaire. Pour simplifier, je remplis moi-même le formulaire et le fais signer à la demoiselle charmante qui a reconnu le document, qui le signe et le tamponne de bonne grâce. J’envoie très vite la chose à la PTITBIT, car après deux ans, j’ai hâte de savoir enfin quel montant je vais toucher. Car bien sûr, on me fait miroiter un paiement, on me réclame des documents, mais personne ne songe à m’informer de combien il s’agit exactement. Le suspense reste entier. Je n'ose pas poser la question, de peur de mettre un grain de sable dans un engrenage qui semble enfin s'est mis en mouvement.

Quelques jours plus tard, une lettre de PTITBIT au courrier! Le cœur battant, je me dis que je vais enfin savoir. Hélas, c’est le certificat de vie en retour qui est «inacceptable, car les champs n’ont pas été complètement complétés». Abasourdie, je détaille le document. Il manque le nom de la préposée qui déclare-nous-soussignés-sur-l’honneur.

Arggh, par pitié, donnez-moi du goudron et des plumes! Déjà que je trouve que le coup du certificat de vie est une monumentale débilité, on m’envoie un nouveau formulaire à re-remplir et cette fois complètement. Quand un jour, incidemment, je me suis permise de trouver douteuse l’utilité dudit certificat, on m’a répondu que c’était pour éviter les fraudes. Ah bon, parce qu’on peut falsifier des tas de papiers et pas un certificat de vie? Et si c'est le cas, c’est quoi, la suite? Il faudra prendre une photo avec la préposée de mairie en train de signer le papier et tenir un exemplaire du journal du jour? Tourner une vidéo? Mais on va prétendre que ce sont des montages…

Si vraiment madame PTITBIT craint la fraude, est-ce qu’un fonctionnaire de chez elle ne pourrait pas prendre le téléphone et m’appeler pour vérifier que je suis bien en vie? Parce que jusqu’ici, personne n’a demandé de preuve que c’est bien moi qui ai et rempli tous les papiers, personne n'a demandé que ma signature soit certifiée...

Mais non, je ne suis pas raisonnable, j’utilise mon QI concernant une administration. Allons, il faut que je me reprenne.

Lundi, à la première heure, je vais retourner à la mairie et je vais faire bien attention que toutes les cases soient remplies:

Prénom : Simon
Nom : Cussonnet
Adresse : Place de l’Eglise
Ville : Torelle
Département : Eure


Et voilà !











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