dimanche 26 mai 2013

Jaiselmer

À peine sur le quai, harcèlement pour un touk-touk, un hôtel, un taxi, un safari en chameau. Beurk, saturation et mauvais réveil, nous n'écoutons rien ni personne, nous faisons les autistes en regardant nos sacs à nos pieds. Je prends un long temps pour me coiffer (je suis descendue du train hirsute) et quand nous avons à peu près nos esprits, Olivier s'approche d'un touk touk et articule : «Svastika hotel» et discute le prix de la course. Un Indien hurle à côté de moi «gratuit, gratuit, je travaille au Svastika hotel, c'est gratuit». J'essaye de le dire à Olivier, mais il ne veut rien entendre. «Naaan-nan, il veulent tous nous refiler leur safari, nan!». Je n'insiste pas. Puis un peu plus loin, au calme, je lui répète et on se dit que bah, on a loupé un trajet gratuit, tant pis. Aussi, c'est de leur faute, ils sont énervants à la fin!

Nous réveillons le tenancier, un Indien balaise en t-shirt et en pagne qui me fait penser à Raimu, version exotique. Ils dorments en sous-vêtements, et leur robe de chambre, c'est un grand morceau de coton qu'ils enroulent autour de leurs hanches.

Il nous montre la chambre, marchandage, l'endroit est bien, nous prenons. Il nous demande de patienter, le temps de la préparer. Il nous fait asseoir dans le hall, nous propose un chaï, appelle sa femme et sa fille qui viennent faire le ménage. Il est débonnaire et chaleureux, Raimu. D'un ton bourru, il nous dit que si on a besoin de quoi que ce soit, il faut lui demander. J'ai l'impression qu'il nous semonce, mais non, il a un discours totalement gentil. Il va, revient avec la théière de chaï, passe dans une autre pièce, revient avec un pantalon qui a remplacé son pagne, il brasse un peu d'air, il range trois bouquins sur la table et puis s'assied avec nous. Nous remplissons ses grands livres avec nos pedigrees complets et incidemment, je lui demande s'ils ont un service gratuit de touk touk depuis la gare. «Non, non, on ne fait plus ça».

Mh...  Regards entendus avec Olivier. Je me demande quel entourloupe nous préparait le gros menteur du touk touk. Il aurait sûrement essayé de nous vendre un autre hôtel et soit refusé de nous prendre, soit demandé un prix pour la course pour aller tout de même à l'hôtel de notre choix. Ce qui est bien, c'est que le marché se conclut toujours avant. D'abord on marchande, ensuite on respecte le deal. Parfois, ils essayent de ne pas rendre la monnaie, mais dès qu'on la réclame d'un geste éloquent de la main, ils la rendent avec un sourire qui dit «essayé, pas marché». Un deal est un deal. Les Indiens ne sont pas voleurs.

Nos sacs posés, dans la chambre —avec air conditionné réglable, que nous mettons immédiatement sur 28°, pour éviter les gros chocs thermiques avec l'extérieur—, nous faisons un petit tour pour trouver un breakfast et prendre la température (métaphore!) de la ville. J'aime bien. Il souffle un vent chaud et nerveux qui sent le désert. Il y a encore plus de poussière qu'ailleurs. Nous trouvons un rooftop rigolo qui me fait croire que nous sommes sous la tente d'un nomade dans le désert.



Jaiselmer est la «golden city» (la ville d'or). En effet, le grès jaune des maisons est patiné par endroits et donne une impression dorée. Le fort est impressionnant lui aussi, même si bien plus petit que celui de Jodhpur. On mange sur un roof top avec vue sur la ville, je prends du mouton et Olivier du poulet dans une recette indienne, c'est délicieux. Ça fait du bien de manger de la viande. Hormis le poulet en quantités frugales, il y a très peu de viande aux menus, les restaurants affichent souvent «végétariens» non pas par choix d'hygiène alimentaire, mais parce que la viande est rare: ils ne mangent pas de boeuf (la vache est sacrée) et ils considèrent que le cochon est un animale sale (!) en plus d'être banni par les musulmans.

Raimu nous a recommandé de rentrer avant 23 heures, nous sommes les seuls clients de l'hôtel, on se croirait en famille avec un oncle bienveillant qui surveillerait nos sorties. Il ferme la grille de son hôtel, chacune de nos allées et venues le fait se déranger pour nous ouvrir. Une après-midi, il vient même nous demander si nous avons l'intention de sortir (non, ce sera sieste, merci), parce qu'il «va au lunch» et il ferme la grille, il en a pour une heure, pas plus.

Là, franchement, j'ai pas compris: il s'en va et ferme la grille de l'extérieur. Une serrure sans clef juste une barre de fer qui se glisse horizontalement. Autrement dit, n'importe qui peut venir de l'extérieur et ouvrir cette porte. Les seuls qui sont bloqués, c'est nous: à l'intérieur. Alors je ne sais pas ce qu'il cherche à éviter, Raimu, à fermer ainsi sa porte. Peut-être que les voleurs potentiels, c'est nous, et ça nous empêche de nous enfuir? …Sais pas.
Incredible India.

27 mai

Après une journée vraiment tranquille, nous prévoyons la visite du fort. Hier, nous avons repéré un restau pour le petit déjeuner sur la route du fort.







Non, pas des ballons de foot, des melons. Très bons.

Gandhi


Après sustentation et un litre d'eau fraîche avalée comme un chameau, j'emboîte le pas d'Olivier qui imprime la cadence. D'abord, on cherche la vue sur la ville: woah. Splendide. Elle est vraiment «en or».







Une fille canon





Ensuite, nous voulons visiter les musées. Il y a un guichet qui vend des billets à des prix suspects, l'affichage n'est pas clair du tout. La Bible nous dit que c'est 30 roupies, les préposés disent choeur 200 roupies, plus 225 roupies pour l'appareil photo, on parlemente, mais ils n'en démordent pas. On dit qu'on va boire un café et réfléchir, et qu'on reviendra après.

Au guichet pour la visite du fort, les prix sont clairs. Olivier demande combien pour visiter les musées. «C'est gratuit, les musées».

HA ! C'est pas seulement une impression, alors! On se fait bel et bien avoir en grand. Idem pour le barbier: jusqu'ici, ils ont demandé 100 à 150 roupies pour la barbe et une coupe de cheveux à la tondeuse pour Olivier, alors que Raimu confirme que le tarif, c'est 50 à 60 roupies. Grrrr, ce sempiternel racisme! Mais non… Ne pas s'énerver. Garder sa bonne humeur, garder sa bonne humeur… Ne pas le prendre personnellement, c'est leur vie, c'est leur métier: plumer le touriste. Rien de personnel contre le touriste du moment. Respirer, payer, sourire et puis savourer la splendeur de l'endroit. Et se consoler en se disant que 200 roupies, c'est trois balles cinquante, après tout…

Visite du fort avec audio-guide. On se met nos casques sur les oreilles et, pour être synchrone, on se donne un top pour démarrer l'enregistrement. C'est très intéressant d'avoir des explications, pour une fois. On écoute, on s'instruit, on s'en met plein les mirettes, clic-clac, Olivier prend des photos, et là, paf, il se tord méchamment une cheville dans un trou au bas d'une marche d'escalier. Aïe! Oula, je vois le garçon pâlir en hurlant silencieusement (bouche grande ouverte en apnée), ça a l'air sérieux.

TROU
Et anecdote: en voyant Olivier changer de couleur, un préposé s'est précipité pour porter secours. Il a suggéré à Olivier de s'asseoir, puis de secouer son pied (pour voir s'il était toujours attaché, peut-être?) et puis nous avons commenté de concert sur le danger de ce trou, qu'il faudrait bien faire queluqe chose pour éviter qu'un accident ne se reproduise. Alors le bonhomme a dit, en mimant avec sa main droite, d'écrire une plainte dans le livre d'or. «Write a complaint, you do so!» (Ecrivez, faites-le!) Moi, je pensais bêtement qu'il irait chercher une planche à mettre dessus, mais bon… 

On se rapatrie à l'hôtel en touk touk, non sans négocier une possiblité de revenir demain ou après-demain pour terminer la visite. Une entorse pareille, si on veut éviter les rayons X et le plâtre, c'est le moment d'user de tous mes trucs de sorccière (ou remèdes de grand-mère, c'est pareil): emplâtre d'argile et pharmacopée de fortune. J'arrose d'huile essentielle de lavande, c'est une panacée, la lavande, et Olivier possède quelques comprimés d'anti-inflammatoires. La douleur se calme, mais nous voilà coincés dans la chambre, c'est sûr qu'il n'est pas question d'utiliser cette cheville avant 24 heures, minimum. Vu comment ça évolue dans les heures qui suivent, on peut se rassurer, ce n'est qu'une vilaine entorse. Ouf.

J'en profite pour écrire ces longs messages que je publie tant bien que mal grâce au wifi gratuit mais chaotique de l'hôtel. Il ne passe pas la porte, je dois m'installer sur le haut des marches d'escalier pour le choper. Ou alors descendre dans le hall de l'hôtel, qui est également le salon et la salle à manger de Raimu et  sa femme. J'y suis la bienvenue, mais quand ses copains arrivent pour le chaï et allument la télé, je me lève et déclare que «de toute façon, j'allais monter dans la chambre».

Autant de péripéties qui font des souvenirs…

Le soir, on traverse la ruelle pour aller dans le restaurant d'en face. Bon accueil, bon prix, les bons endroits ne figurent pas tous dans la Bible.

28 mai

Cheville en bonne voie de guérison. On ne s'aventure pas plus loin que l'autre côté de la rue pour le petit déjeuner, d'abord parce que l'endroit testé hier soir est parfait et puis pour ménager la cheville le plus longtemps possible.

Olivier veut aller se faire raser, mais apparemment, on ne rase pas le mardi à Jaiselmer. Retour donc au vautrage en chambre. De mon côté, le rhume s'amenuise et la forme revient.



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