lundi 28 octobre 2019

Sécurité, suite...




La mesure de sécurité suivante est vraiment intéressante, il s'agit là d'une autre des grandes terreurs du MMD (Monde Moldu en Décadence) : c'est la prévention des GERMES !

Hawaii est une île habitée au début par seulement quelques indigènes vêtus de paille dansant la Hula et mangeant des papayes. Et puis sont les venus les colons, ces rustres envahissant tout avec leurs gros sabots, leur religion, leur soi-disant éducation. On connaît l'histoire, ça ne s'est pas très bien passé. Ces premiers visiteurs étaient plutôt des mâles débordants de testostérone, pouilleux et crasseux, qui ont charrié avec eux, faute de douches sur les bateaux, pléthore de vermines en tous genres, bousculant le biotope de l'archipel. Après avoir été dévastés par diverses véroles biologiques et vermines humaines, on comprend qu'aujourd'hui, ils se méfient des humains et des microbes lors des transhumances.

Tout cela pour dire que pendant le vol San Francisco-Hawaii, l'hôtesse nous distribue une fiche gouvernementale  — rose cette fois — à remplir pour le département de l'agriculture et qui dit: Etat d'Hawaii, formulaire de déclaration de plantes et d'animaux à l'attention de tout le monde dans cet avion, svp, les touristes mais aussi tout l'équipage et c'est obligatoire.

Un peu sévère, mais juste!

Aloha et bienvenue à Hawai'i.

«Aloha», c'est comme «Namaste», c'est plus qu'une formule de politesse, c'est bonjour, bienvenue, je reconnais et honore en toi l'âme divine et essentielle, l'universel qui nous relie, bla-bla-bla. Bonjour, mais en mieux, quoi. Comme si on le pensait vraiment. Jusque-là, je trouve que c'est plutôt bien parti. Ensuite, il est précisé que certains animaux ou plantes peuvent être nuisibles à l'écologie unique locale, «merci de nous aider à protéger Hawai'i en n'important pas de peste nuisible dans notre Etat».

Après huit heures de vol, je ne suis pas très fraîche mais là, tout soudain, je me sens vraiment cra-cra. Trimballerais-je sans le savoir non seulement une peste, mais nuisible, de surcroît? Je frémis. Et j'ai un peu honte d'être la sale — au sens propre — étrangère qui n'essuie pas ses pieds avant d'entrer.

Ensuite, au cas où je serais un peu bouchée et que je n'aurais rien compris jusqu'ici, il est stipulé ensuite en majuscules et en rouge : TU ES OBLIGEE PAR LA LOI DE L'ETAT DE REMPLIR CETTE DECLARATION AGRICULTRICE. La tension monte. Beaucoup plus précisément encore, ça me prévient, j'aurais été prévenue, que si j'ose ne pas remplir ce formulaire ou mentir ou oublier de déclarer des trucs super nocifs et dangereux en violation du chapitre 150A, j'encoure jusqu'à 25'000$ d'amende ou un an de prison. Et si, de plus, je le fais intentionnellement (mentir ou oublier), c'est jusqu'à cinq ans de prison.

Pour dire ça comme ça, ils ont du imaginer que j'ai  mis, je ne sais pas, disons une pomme au fond de mon sac, avec une intention malveillante. Là, j'ai du mal à imaginer laquelle... Faudra que j'y réfléchisse. Je ne l'ai pas lavée exprès, pour être sûre qu'elle contienne des microbes. Na! Au moment de remplir la fiche, c'est écrit, je dois déclarer non seulement la violation du chapitre 150A mais aussi que je l'ai fait exprès. — Il ne me viendrait pas à l'idée de prétendre que non, pardon, j'ai pas pensé à mal afin d'échapper aux cinq ans de prison. Je dois dire la VE-RI-TE.

Je reprends la lecture. Il est précisé qu'une seule personne peut remplir la fiche pour toute la famille. Tiens, ça fait bizarre, cette phrase normale.

 Sous la lettre A, il y a des cases à cocher pour j'ai en ma possession ou dans ma valise:

— des fruits frais ou des légumes.

Si j'ai des légumes pourris, je coche aussi? C'est pas précisé.

— des fleurs coupées ou des feuilles,
— des plantes, des plants ou des algues, 

La pomme dans le fond du sac, je conçois, mais le bouquet de fleurs, dans l'avion? Les plantes, ...les ALGUES? Un rire frémit dans mon ventre.

— des graines crues ou propagatives,

Là, je serais bien en peine de répondre car j'ignore ce que ça signifie. Comme je n'ai pas de graines sur moi, c'est avec bonne conscience que je laisse en blanc.

— de la terre, un media de croissance, du sable, etc.

Mais bien sûr! J'ai pris du sable du continent pour aller à Hawaii, des fois que la plage en manquerait un peu, me dis-je en riant un peu plus.

— des fruits de mer vivants (homards, moules, huîtres, etc.)

J'éclate de rire et je prends la photo. Cet épisode mérite un article de blog. Mon stylo est en l'air, ça me démange furieusement de cocher cette case. Juste pour leur dire que bien sûr, je ne voyage jamais sans mon homard de compagnie. Et comme ce soir, on retrouve les amis et qu'on va célébrer mon anniversaire, j'ai pris quelques huîtres dans ma valise. Ah bon? Vous trouvez qu'il y a une drôle d'odeur dans la soute?

Un balaize invisible retient mon bras en me rappelant qu'ils n'ont aucune humour et que je risque cinq ans de prison. Raisonnablement, je laisse la case en blanc. Le suivant me fait hoqueter:

— des cultures de bactéries, des champignons, des virus ou des protozoaires (sic)

Ce dernier me ramène loin en arrière dans ma classe de biologie. Je me rappelle que les garçons s'insultaient en se traitant de protozoaire après avoir appris qu'il s'agissait d'un organisme unicellulaire. Mon imagination galope et je me dis qu'il faut peut-être la cocher celle-là, je dois certainement véhiculer des bactéries sur moi. Quant aux champignons, je m'imagine mentionner ceux qui me démangent dans ma pilosité intime. — Pardon, je m'égare.

Après, en rouge, ils demandent de bien veiller à présenter les éléments susmentionnés aux contrôleurs à l'arrivée. 

Euh... non. Rien. J'en étais encore aux champignons.

Sous la lettre B, les cases à cocher pour les animaux.

— Chien, chat, oiseau, reptiles, autre animaux.

En rouge: si vous voyagez avec des animaux, vous devez impérativement le mentionner au personnel de cabine qui les mettront en quarantaine à l'arrivée.

Je me fais un autre film: imaginons que pour ce voyage, impossible de trouver un gardien pour mon chien, j'ai décidé au dernier moment de le prendre avec moi. Je me présente à l'embarquement avec ma valise de cabine dans une main et mon chien en laisse dans l'autre. Ça passe, le préposé est distrait, il ne remarque pas l'animal. Je me présente ensuite à la porte d'embarquement, l'hôtesse scanne la carte et caresse le chien. Distraite elle aussi, ça peut arriver. Médor s'installe à mes pieds et reste sage pendant tout le voyage, aucun steward ne remarque la présence incongrue de mon compagnon à quatre pattes. Oui, j'ai agi impulsivement sans penser aux démarches administratives indispensables, ça arrive, c'est pour ça que le gouvernement est là: pour parer à toute éventualité, même la plus improbable. C'est pourquoi, sur la fiche, ils ont prévu une case que je cocherai tout simplement avant l'atterrissage. Médor se retrouvera en quarantaine, probablement pendant toute la durée de mes vacances, il va être nourri et logé, voilà de plus une bonne solution de gardiennage, me dis-je.

De l'autre côté de la fiche, je dois renseigner mon pedigree. Depuis le temps, j'ai déjà donné toutes mes infos à cette administration sauf, j'en prends conscience à l'instant, mon adresse mail. J'hésite, et puis par bravade, j'écris peu lisiblement une adresse incomplète. Comme ça. Pour chicaner. Petit grain de sable, microbe énergique de nature à pourrir un système qui devient fou.





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