samedi 1 juin 2013

Bye bye India, hello Egypt


Après une petite grasse matinée, nous quittons l'hôtel. Nos vols pour l'Egypte sont ce soir, à respectivement 18h20 et 21h50, car nous n'avions pas réservé ensemble. Attendre pour attendre, nous décidons d'aller à l'aéroport en début d'après-midi, n'ayant plus grand chose à faire Delhi, n'ayant surtout pas vraiment le courage pour une visite. L'entorse d'Olivier est encore douloureuse et son tube digestif toujours en réparations. Il adopte un rythme qui me va bien: un peu plus lent.

Si Olivier peut pénétrer dans l'aéroport car son vol est dans quelques heures, moi pas. Il est 14h, et le militiaire indien au faciès chinois est péremptoire: «Madame, votre vol est à 22h00, non, vous ne pouvez pas entrer». Ils ont un système vigipirate sévère, tous les endroits publics sont surveillés et l'aéroport plus qu'ailleurs.

Pas drôle. Nous tuons une heure dans un premier hall trop climatisé et peu confortable. J'envisage d'autres solutions: prendre un ticket visiteur pour accompagner mon fils dans le hall central. Non, me dit la préposée, les tickets visiteurs sont réservés aux arrivées. Elle me suggère ce que nous nous étions déjà dit avec Olivier: tester toutes les entrées de l'aéroport, il y en a huit ou dix. Nous ressortons et allons à pas très lents vers la première. Je montre ma réservation de vol, le militaire me dit: «porte No 5». Nous y allons de ce même pas —lent—, et là, le militaire recommence: «Madame, votre vol est à….» et il regarde sa montre, comme si l'heure de mon vol y était inscrite. Je dis oui, mais mon fils va embarquer bientôt, nous allons au même endroit, pas avec le même vol, j'aimerais l'accompagner pour son embarquement, blabla. Il réfléchit, le militaire. Après avoir muri sa décision, il déclare qu'une fois que je serai dedans, je ne pourrai plus ressortir. Il me le ponctue bien, comme pour m'inciter à y réfléchir à deux fois. C'est tout réfléchi: «it's fine», je dis sur le même ton ponctué. Hop, c'est bon, nous voilà dans le hall de gare.

Joli. Olivier et moi aimons les ambiances d'aéroport. Celui-ci est moderne et beau. Les grands «Ganesh» (dieu éléphant) me séduisent.





Et nous tuons le temps, une fois encore, avec des conversations généralement laconiques, la lecture de nos bouquins respectifs, des petits jeux sur le iPhone. On bouge un peu, on se paye un café et j'avale un sandwich.



Puis Olivier embarque et j'ai encore deux heures avant de pouvoir prendre ma carte d'embarquement. Que je tue en faisant tout ce qui est listé plus haut, la conversation laconique ayant lieu avec un voisin pour lequel je me pousse d'un cul sur le banc et qui me remercie. Quand je présente mon passeport pour embarquer, le préposé cherche mon visa. Comme un peu plus tôt avec Olivier, je dis que je peux l'acheter en arrivant. Il appelle son chef, lui aussi, et à deux, ils lisent quelques pages sur des écrans, pour finir par admettre que c'est bon, je peux embarquer, effectivement, l'écran dit que les ressortissants suisses peuvent acheter leur visa en arrivant.

Je m'installe près d'une prise de courant, j'y branche mon ordinateur et je visionne un film. Au bout d'un bon moment, une charmante demoiselle m'interrompt pour me demander si je vais à Abu Dabi. Non, Bahrain. «Parce que le vol pour Abu Dabi embarque maintenant». Comme c'est gentil! Elle s'inquiète que je ne manque pas mon vol. Elle me fout le doute, la fille, en principe, j'ai encore quarante minutes devant moi, mais je vais vérifier quand même. Effectivement, le vol pour Bahrain clignote, je peux embarquer. Je vais ramasser mes affaires et lui dit qu'effectivement, merci, mon vol embarque. C'est le sien aussi, elle se met dans la queue, on se fait plein de sourires.

À Bahrain, je rejoins Olivier et nous avons encore des heures à tuer. Il m'a envoyé un sms: «Je suis à la porte 13, entre deux boutiques de duty free. Je serai vautré, alors tourne un peu pour me trouver». Et là, plutôt qu'un discours, je préfère vous mettre une photo de ce que je découvre après tourné un bon moment, ne trouvant rien qui ressemblât à mon fils préféré. Soudain, j'ai reconnu ses tongues.



Dans tout l'aéroport, la climatisation doit être réglée sur 12°. J'exagère encore? Peut-être, mais alors pour de vrai: 18° ou 19°, pas plus. Je me gèle! Je me suis enroulée dans un pashmina de laine et j'ai doublé la couche avec une autre de mes dupatas en coton. Impossible de m'endormir avec cette température, même à peu près bien allongée sur la même banquette qu'Olivier.

Tant pis, je m'assied et je fais un jeu de solitaire sur mon iPhone. Il est deux heures, je réveille Olivier qui m'a dit devoir aller chercher sa carte d'embarquement à partir d'une heure et demie. Je garde les sacs pendant qu'il y va. Il revient et je déclare une grosse envie d'un chocolat chaud Starbucks. Ça nous prend dix minutes pour aller de la porte 13 à la porte 16 en passant par un hall central plein de boutiques de duty free en traînant les pieds. Là, je me réchauffe enfin. Nous tuons encore du temps, et puis Olivier embarque. Je trouve un coin à l'abri du souffle direct de la climatisation et là, je m'endors enfin, soulée et bercée à la fois par les annonces sirupeuses et ininterrompues de la dame automatique qui annonce le départ des vols aux diverses portes.

2 juin

Lever de soleil à Bahrain
Je suis tirée du sommeil par une perturbation dans l'énergie autour de moi, j'ouvre les yeux, c'est «Vol au-dessus d'un nid de coucou». Une foule de mecs en pyjamas dans diverses nuances de blanc portant un calot sur la tête est en train de se remue-ménager. Un embarquement est annoncé, ils prennent tous le même vol. En fait, ce ne sont pas des fous en uniforme d'asile d'aliénés, mais des arabes du coin. Je croise le regard de l'un d'eux qui a remarqué mon réveil un peu brutal, il me sourit en grand et commente: «difficult sleep» (sommeil difficile). J'ai juste le temps de lui sourire en retour avant qu'il ne s'en aille, lui aussi, prendre ce vol.

Quelle heure est-il? Six heures et quelques. Encore quatre heures à tuer. Il fait toujours aussi inconfortablement frais, et j'ai faim. Je fais trois fois l'aller-retour de la porte 17 à la porte 13, en repassant par les boutiques, en faisant un crochet par les WC où je me brosse les dents et ça me donne carrément l'impression d'avoir pris une bonne douche… Ça tue une bonne demi-heure. Je voudrais trouver une prise pour mon ordi, j'aimerais bien finir le film commencé à Delhi, mais ma batterie est pratiquement à plat. J'en trouve une, mais la prise ne rentre pas dans les trous. Trop large. Zut, ce ne sont pas les mêmes spécifications électriques. Je retourne vers ma chaise à l'abri de la clim', et j'aperçois une prise dans le mur qui a l'air un peu usagée. Je tente le coup, ça rentre! Yes! Je termine mon film tout en laissant charger l'ordi. Comme il y a un wifi gratuit dans tout l'aéroport, j'en profite aussi pour faire quelques mails et pour surfer sur internet.

J'ai faim. Je m'offre un vrai bon café Starbucks et un pain au chocolat qui ressemblent à de la nourriture «normale». En tous cas, des aliments que mon corps reconnaît et qu'il n'a pas forcément envie de rejeter comme un greffon étranger. Entre les récents chocs thermiques et la nourriture des compagnies aériennes, mon tube digestif m'envoie des avertissements. Que j'écoute! Ce café-croissant au goût et à l'odeur des madeleines de Proust le remet d'aplomb. Malgré une nuit pratiquement blanche, je semble retrouver également l'usage de mon cerveau qui fonctionnait sur le mode cortex depuis un petit moment. (Juste les réflexes de survie).

Enfin, c'est l'heure d'embarquer.
J'ai à nouveau un siège hublot, je suis contente. Je m'installe, je choisis et démarre un film sur mon écran individuel et …je m'endors. Je suis réveillée à plusieurs reprises, l'une d'entre elles pour refuser le repas. Pourtant, les pâtes de mon voisin semblent appétissantes, mais mon tube digestif explique à l'aide d'une nausée que non merci, une diète est préférable. J'accepte un verre d'eau que je bois et que je pose sur ma tablette; je dodeline et replonge dans le sommeil. Un moment après, j'ouvre un œil pour constater que le charmant jeune homme, mon voisin, a débarrassé mon verre en même temps que son plateau et a remonté ma tablette. Il est charmant, ce charmant jeune homme! Je referme ledit œil précédemment entrouvert et replonge. Toujours avec les dialogues du film dans les oreilles et juste après avoir constaté intérieurement qu'à l'extérieur, le désert, c'est désertique!

La fois suivante que je suis tirée de ce sommeil en pointillé, c'est quand je sens que l'avion perd de l'altitude. Me voyant réveillée, mon charmant voisin me tend la fiche d'immigration qu'il a réceptionnée pour moi et me fait comprendre dans la langue des gestes que je dois la remplir. En anglais et en gestes, je dis merci, je demande s'il n'aurait pas un crayon, le mien est dans mon sac, dans le casier là-haut, il répond non dans la même langue, c'est-à-dire en écartant les mains vides, et je fais signe que tant pis, je ne veux pas déranger tout le monde, je ferai après. Charmant jeune homme alors tape sur l'épaule du mec de devant et lui demande, cette fois dans une langue parlée, probablement en égyptien, de lui prêter son stylo. Ils sont vraiment charmants tous ces jeunes hommes. Je remplis ma fiche, je rends le stylo, salamecs, sourires…

Enfin nous atterissons.
Je suis la foule en direction de la sortie, tout en gardant à l'esprit que je dois acheter un visa. Je fais la queue derrière un groupe de femmes couvertes de noir, seuls leurs doigts et leurs yeux dépassent. Je me demande sil elles n'étouffent pas un peu, sous leur tente...

La préposée tourne les pages de mon passeport: «il est où votre visa?». Je dis qu'on m'a dit que je pouvais en acheter un en arrivant. Oui, il faut l'acheter. Où ça? Là-bas. Je vais là-bas, ça ressemble à un guichet de banque. Un homme me fait un grand sourire, oui, je peux vous aider? Oui je voudrais acheter un visa. Oui, c'est ici. Ah bon, combien? Je peux vous payer avec la visa? (payer mon visa avec la visa, haha). Ah non, il faut du cash. Vous avez du cash? Dans quelle monnaie? J'ai quelques dollars. Ah oui, très bien. Huit dollars? Non, ce n'est pas assez. Ah bon, où je peux retirer du cash? Là-bas. Dites-moi, en Egypte, c'est quoi le mieux: avoir des dollars ou des livres égyptiennes. —Il me semblait me rappeler que parfois, c'est pratique de négocier en dollars—. Homme au grand sourire me dit que n'importe comment, la machine ne va me donner que des livres égyptiennes. Problème réglé.

Trois bancomats en rangs d'oignon, trois essais infructueux dans deux d'entre eux et enfin, je retire une somme rondelette histoire d'avoir de quoi pour les jours qui viennent. Je retourne au guichet de banque qui vend des visas, affaire réglée en quelques gestes et plein de sourires. Je les trouve charmants, jusque-là, les Egyptiens, moi. Pourtant, la Bible et les rumeurs nous exhortaient à se méfier. Il ne faut pas toujours croire la Bible ni les rumeurs.

Re-queue pour le contrôle des passeports, c'est bon, cette fois. Mon visa est tamponné, il ne reste plus qu'à récupérer mon sac à dos sur le tapis roulant. Je tourne un moment avant de le trouver, je cours avant qu'il ne fasse le tour et disparaisse avant de reparaître, et puis je me dirige vers la sortie. Là, je vois des gens qui agitent des pancartes avec des noms dessus, et quand j'aperçois Olivier, je lui dit que je m'attendais un peu à ce qu'il ait fait pareil. Il plaisante en disant qu'il aurait sûrement écrit «Maman» sur la pancarte. Je rigole pendant trois minutes à cette idée.

Choc thermique.
Il fait 38° selon l'application météo du iPhone. (Qu'est-ce que c'est pratique, un iPhone!). On est abordé pour se faire offrir un taxi, c'est un peu moins submergeant qu'en Inde. Non merci, on veut le bus pour Alexandrie. C'est là-bas. Deux cents mètres à pied, chargés de nos sacs. On tourne un moment avant de trouver le bon bus et là, c'est repartir pour du marchandage. La Bible dit 30 livres, le préposé 50. Un vieux bonhomme s'en mêle, nous indique que le bus va arriver là (il montre un endroit du doigt), nous dit, c'est 50. On essaye de dire que non, pas question de se faire avoir, mais rien à faire. Ils sont fermés comme des huîtres. Je demande où on doit payer, un mec derrière un ordi me dit: «au chauffeur du bus». Justement, il arrive. Je passe la tête par la porte, je dis bonjour, vous allez bien à Alexandrie? (en anglais). Il répond oui. Je demande combien, il répond 25. Et là, le vieux bonhomme arrive, parle en égyptien (pas tout à fait de l'arabe académique, si j'ai bien compris). Pas besoin de traducteur pour savoir ce que ces deux-là se disent:
— Je leur ai dit 50, je prends 25.
— Ah bon, mais je viens de dire 25.
— Non, non, dis-leur 50, je prends ma commission,…
Et là, j'imagine que le vieux donne un argument qui convainc le chauffeur du bus, parce quand je lui dis qu'il vient de dire 25, il me répond qu'il ne parle pas anglais. Gromenteur!

Olivier, qui était allé parlementer au guichet, revient en me disant qu'il lui ont sorti un ticket qui est bien marqué 50 livres, et qu'il n'y a rien à faire. Il est vénère (ça veut dire «énervé», Mado, c'est du verlan. Ch't'expliquerai); c'est vrai, cette récurrente impression de se faire avoir, c'est pénible. On nous dit qu'on peut toujours aller voir dans une autre compagnie, c'est bon, nous cédons. 50 livres égyptiennes, c'est 6,85 CHF (5,50€) pour 250 kilomètres. C'est toujours pareil, c'est une affaire de principe.

On s'installe tout devant sur les premiers sièges, on va regarder la route. Le vieux monte et fait un sourire à Olivier, voudrait non seulement nous entuber, mais que nous soyons contents. Alors là, non, faut pas pousser Mémé, je crois l'avoir déjà mentionné ailleurs. Je dis haut et clair: «You cheat on us. We are white people, you cheat on us, you charge double» (Vous trichez avec nous. On est blancs, on doit payer le double». Le chauffeur, celui qui ne parle pas l'anglais, pique la mouche. Je l'ai vexé. Le vieux demande ce que j'ai dit, le chauffeur traduit, le vieux se tire, sans plus sourire du tout.
Bien fait!
Le chauffeur ne peut pas réagir plus, il n'est pas censé comprendre l'anglais, ce gros menteur.

S'ils sont blancs, les poulets qui se font plumer par eux, du moins ils ne sont pas cons. Sa vexation indique que ça a dû taper sur sa conscience, au chauffeur, et je trouve ça assez rassurant, au fond. En tous cas défoulatoire.

Olivier entame la conversation au bout d'un petit moment, histoire de dissiper les énergies grincheuses. L'autre fait de gros effort pour répondre peu aisément quant à la durée du trajet alors qu'il a très bien compris la question. Sourires mutuels tout de même, il se met au volant et démarre.

À un prochain stop, il revient soudain avec des tickets à l'allure très officielle comportant un numéro de place, et nous dit que nous devons nous déplacer. Comme par hasard, c'est juste à côté des chiottes. Ma parano intérieure me dicte que c'est une basse et vile vengeance de sa part. Mais ma parano n'a pas forcément toujours raison…

Comment je fais pour dormir pratiquement tout du long, je ne sais pas. Nous sommes pourtant bien secoués, il y a du bruit, un bébé qui pleure longtemps et souvent, un film qui passe sur l'écran général et dont le son couvre tous les autres bruits, si c'est possible, y compris celui du lecteur personnel du mec juste derrière nous qui écoute sa musique et en fait profiter tout le monde. C'est un bus à air conditionné, mais les fenêtres sont ouvertes, ça fait donc des grands courants d'air chauds et froid, bref, je dors quand même malgré tout cela, et je n'ai pas parlé des crampes que j'ai dans les jambes et aux coccyx d'être assise depuis tant d'heures. Je dors, mais très mal.

Arrivés à Alexandrie, taxi pour le centre ville, qu'on négocie, pour une fois, au prix correct écrit dans la Bible. Ça fait du bien. La nuit est déjà tombée quand nous trouvons une chambre à l'hôtel Crillon.
Si.
Une chambre avec vue sur la mer et sur …la corniche.
Si.
Ça ne s'invente pas.
Pour la somme modique de 11,50 CHF (9€) chacun, petit déjeûner compris.

Alexandrie...

...Alexandra

Le dodo qui suit est d'anthologie.

Epilogue:
Et pourquoi je publie un long article comme ça, plein de choses inintéressantes et creuses?
...
C'est pour montrer que les voyages, c'est génial, on voit des lieux, on rencontre des gens, on vit des aventures, mais entre deux, il y a tout de même beaucoup beaucoup d'heures d'attente, interminablement chiantes, inévitables, des tracasseries adminstratives, des allers et des retours fatigants, des "Maman, c'est juste à deux cents mètres, on y va à pieds», et je n'allais certainement pas vous épargner cela.





1 commentaire:

Voyages en tous genres d'une citoyenne temporaire de la planète Terre. Commentaires bienvenus, mieux encore s'ils ne sont pas anonymes.