vendredi 9 décembre 2016

Retour

Il fait terriblement gris ce matin, un bon jour pour retourner à la maison. Après un petit déjeuner rapide, pour une fois, nous bouclons nos valises. Je suis toujours en mode légèrement stress quand je prends un avion, j’ai besoin d’avoir de la marge dans le timing. Ce matin, Jonathan prend le train avec nous pour aller travailler, ça nous donne l’occasion de faire durer le plaisir.

Au revoir chaleureux, bisous, hug quand il arrive à sa station, tandis que nous continuons jusqu'à Schiphol Airport (prononcer Srip-holl). Nous allons tout de suite à l'enregistrement des bagages, et nous verrons ensuite s'il nous reste du temps pour un café. Les guichets ne sont pas au même endroit, elle part pour les USA, la Suisse est considérée comme un vol domestique.

Je me rends à la borne qui délivre la carte d’embarquement. C’est la seconde fois que je fais cette procédure dans cet aéroport, je me rappelle tout! J’imrpime le document en deux temps trois mouvements et je vais à l’enregistrement automatique de ma valise. L’écran indique 25,4 kgs en rouge et me signale que ma valise ne doit pas dépaser les 23 kgs. Madame Robot refuse donc de prendre soin de mon bagage pour 2,4 petits kilos en trop pris pendant son séjour en Hollande. Zut! Un charmant steward me suggère d’aller transvaser ces kilos de ma valise à mon sac de cabine sur une table un peu plus loin. Et là, je me rappelle qu’un de mes amis facebook avait déjà eu cette aventure et avait fait remarquer que tous les kilos en question allaient voyager dans le même avion! Va comprendre… Face à cette logique moldue, je mesure mon envie d’ouvrir ma valise et ma capacité à évaluer 2,4 kgs d’habits, de chaussures ou de produits cosmétiques et surtout, je visualise l’encombrement supplémentaire de mon bagage à mains. Je décide que je m’en fous, je vais payer pour le surplus de poids.

— 70 euros, articule le steward.

J’ouvre de grands yeux et je plaisante:

— Prix unique! Pas de négociation possible? 70 euros pour deux petits kilos supplémentaires?
— Oui, Madame, c’est la règle, c’est le prix, répond-il d’un ton joyeux mais inébranlable.

Non, décidément, je m’en fous royalement.
Rectification: le maître s’en fout royalement, il trouve même cela amusant! «Parce que je le peux», répète-t-il une millionième fois depuis que nous conversons régulièrement.

L’humain surgit violemment:

— Ça va pas la tête? 70 balles pour ça? Pas question!

Le maître, toujours hilare :

— Alleeeez, on s’en fout, c’est marrant. Ta carte de crédit est pleine, paye! C’est le jeu, ma pauvre Lucette.

Voilà qu’il fait de l’humour de publicité, l’autre… L’humain n’est pas convaincu:

— Ouais mais les gens vont penser quoi?

Le maître est magnanime. C’est un très vieux truc qui colle que cette angoisse de l’opinion des autres. En principe, c’est dépassé, mais l’humain a manifestement besoin d’encore un peu de ce drame-là. Le maître insiste cependant et rappelle à l’humain que nous étions d’accord de nous débarrasser de cela AUSSI. Nous sommes une grande fille, ce que pensent les autres de nous — maître, humain, enfant, âme et tous aspects confondus — n’est pas nos oignons.

L’humain lâche du lest, mais pas totalement. Je lui rappelle ce qu’il y a à faire dans ce cas, si nous décidons de ne pas payer et il craque à l’idée de porter un bagage de cabine plus lourd.

— OK, dit-il, mais alors, on ne dit rien à personne, ça restera entre nous.
— Marché conclu! clament tous les aspects en choeur.

Au comptoir, une magnifique hôtesse blonde, super aimable et gentille, m’accueille. Je soulève péniblement ma valise sur le tapis — c'est vrai qu'elle est lourde — en mentionnant que j’ai fait trop de shopping. J’ai posé ma carte d’embarquement sur le comptoir, l'hôtesse l’attrape et la scanne prestement tandis que je farfouille dans mon sac pour trouver ma carte de crédit. Je n’entends que d’une oreille qu’elle me dit:

— It’s OK.

Je vais pour glisser ma carte de crédit dans la fente quand elle me demande, surprise:

— Vous voulez payer?
— Oui, je m’en fiche de payer le surplus.
— Non, vous ne vous en fichez pas, c’est 70 euros.
— Oui, je m’en fiche...

Je vois alors dans son regard qu’un truc est en train de m’échapper. Je débarque enfin: elle a dit «c’est OK» pour me dire signifier qu’elle ne me fait pas payer. Je me sens blonde platine.

— Oh, je comprends: vous êtes en train de me faire une faveur?
— Oui, c’est OK, répète-t-elle avec toujours le même grand sourire alors que ma valise, enturbannée de son étiquette de référence, file déjà sur le tapis roulant.
— Pardon, je suis toujours un peu anxieuse quand je prends l’avion, je n’avais pas compris…

Je songe enfin à lui offrir mon meilleur sourire pour accompagner un chaleureux merci tandis que le maître se roule par terre de rire devant ma balourdise.

Il faut vraiment que j’apprenne à trouver cela normal!

Je vais retrouver Mary Beth mais elle a dû prendre une longue file d’attente pour un contrôle plus strict de sécurité. Je peux tout de même la rejoindre pour un hug et on se souhaite bon voyage.

Mon vol est parfait et au bout d’un temps que j’ai trouvé très court, j’aperçois le Jura et un paysage familier à ma droite. Soudain à gauche, au milieu du hublot trône majestueusement le Mont-Blanc. Il est si proche que j’ai un doute sur son identité, mais il est tellement reconnaissable que je ne peux que me rendre à l'évidence. C'est rare de le voir si net, il paraît toujours lointain et dans la brume. J’hésite à prendre une photo car mon appareil est au fond du sac et je ne sais pas si j’ai le temps de le sortir. Mais oui, l’image reste stable un long moment, j’ai tout le temps. On dirait que la montagne me souhaite un bon retour à la maison.



C’est dans le bus entre l’aéroport et la maison que je me rends compte que non seulement, je n’ai pas eu besoin de payer le surplus de bagage, mais je n’ai pas payé non plus pour le bagage. J’aurais dû normalement régler 35 euros, car ma valise n’était pas comprise dans le prix de mon billet low cost. J’éclate de rire intérieurement en même temps que le maître.

Mais ce n’est pas tout!

Quand on vient de passer dix jours avec des maîtres, il faut s’attendre à l’abondance en tout. Petit flashback au deuxième jour après mon arrivée en Hollande: j’attrape mon appareil photo, je prends une photo lors d’une balade, et voilà que le petit rideau obturateur de l’objectif se coince à la fermeture. C’est franchement déboîté, c’est moche! Je montre la chose à Jonathan dans l’espoir qu’il pourra faire quelque chose. Il me rassure, c’est facilement réparable, mais il n’a pas les outils adéquats pour faire un travail minutieux. Il ajoute que s’il démonte le devant de l’objectif et qu’il n’arrive pas à le remonter, ça va être impossible à justifier auprès du service après-vente. Je visualise le réveil qu’on démonte, les ressorts qui sautent et les pièces qui se dispersent et je concède que «c'est mieux pas».

Samedi, je passe au magasin le plus proche, qui n’est cependant pas celui où j’ai acheté l’appareil car il est à Londres. Le vendeur constate les dégâts et me dit que je peux envoyer cet appareil au SAV suisse, mais il n’est pas garanti que la garantie fonctionne. Si je l’envoie en Angleterre, le prix de l’envoi plus la réparation risquent de me coûter bonbon. Il faut que je prenne une décision… Je rentre à la maison et décide d’aller voir sur internet si je trouve une bonne solution. J’explique tout ce la à Mado quand elle me demande quel est mon problème et je sors mon appareil de son étui pour lui montrer la pièce cassée.

Qui est parfaitement remise en place et qui fonctionne normalement!

Je lui jure que c’était cassé, car l’appareil est tellement normal qu’on peut légitimement se poser des questions sur mon état psychique. D’ailleurs, Jonathan pourra confirmer.

C’est ça, la vie des maîtres, que voulez-vous !

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