vendredi 7 juillet 2017

Le vol, deuxième partie

Dans la queue pour l’embarquement, la voix de l’aéroport rappelle que les e-cigarettes ne sont pas autorisées dans la soute. QUOI? J’avais compris que c’était dans la cabine que c’était interdit, et je l’ai mise exprès dans ma valise!!!! La nana flippée revient en force. Le boss intervient: Ah non! on a dit pas d’angoisse! Trop tard, le mental est en vrille. Oui, bon, d’accord, mais c’est quoi le danger au juste? Ben hé, ho, ça peut, heuu…, chais pas, exploser? A cause de la non-pressurisation? Je vous passe les dialogues internes affolés aux termes desquels le Maître décide que tout ira bien. J’envoie un ange protéger ma valise dans la soute et je commande une magie pour la pressuriser, histoire que tout aille bien. C’est de justesse que j’évite de me laisser envahir par les scénarii les plus catastrophiques…

— Héhé, rigole le Maître. Il va y avoir du travail pour mettre en pratique les bonnes résolutions.

Effectivement, je viens de passer tout juste le premier test et plusieurs fois ensuite, je devrai juguler mon mental pour ne pas re-paniquer pour cette pile au lithium dont on sait qu’elle a déjà provoqué des catastrophes. …Lesquelles au fait? Je l’ignore… Non mais quel plaisir ai-je donc à me foutre des angoisses? J’y mets un terme définitif en me disant que si c’était à ce point dangeureux, ils demanderaient vingt fois avant d’enregistrer les bagages justement à cause des blondes de mon genre.

L'avion caresse le Mont-Blanc de son aile pour dire au revoir
L’avion est parti de Genève à l’heure sur le retard annoncé et je m’installe pour ce vol de plus de huit heures. Les sièges en economy plus sont légèrement plus larges et plus confortables, ça fait franchement une différence. Mon voisin est un grand mec qui me salue gentiment et s’installe. Comme je suis disposée à papoter, je guette le moment propice, mais rien à faire, il restera muet tout le long du voyage, les écouteurs plantés dans ses oreilles. Quand je me lève pour aller aux toilettes au bout d’une ou deux heures, il ne le voit même pas et je dois lui toucher l’épaule pour me faire remarquer.  Au temps pour mes bonnes dispositions en matière de sociabilisation. Je mets d’ailleurs un long moment à déterminer qu’il est de langue maternelle espagnole en reluquant son ordinateur en biais.

Arrivée à Newark sans encombre et comme mon fils me l’avait prédit, je vois Manhattan par le hublot. Seconde fois de ma vie que je mets les pieds à New York et cette fois encore, c’est tout ce que j’en verrai. Pas grave, le séjour dans cette ville est prévu pour un autre voyage. L’avion reste planté sur le tarmac et le capitaine nous annonce que toutes portes de débarquement sont occupées, on attend qu’une se libère ça va prendre 25 minutes. Tu te fous de moi? Là, je recommence à m’affoler, le temps pour mon transit se raccourcit de façon inquiétante. Me re-voilà donc au test. Pas question de louper ma correspondance, non, c’est non!

On reconnaît l'Empire State building et le nouveau Work Trade Center

Pour cela, je dois installer une zénitude en moi sinon ma trouille va attirer l’événement. N’empêche, c’est tout de même d’un pas énergique que je traverse les couloirs pour aller au contrôle des passeports. Un mec devant moi est pressé, je lui emboîte le pas sur les tapis roulants, c’est lui qui ouvre la voie au milieu des les gens qui n’avancent pas. La queue aux passeports m’inquiète, je demande à une préposée si elle pense que je vais arriver à prendre mon avion qui est censé embarquer dans 50 minutes, elle me dit oui avec tellement d’assurance que je me calme. Enfin, «elle» se calme. Je récupère ma valise et en vitesse tout de même, je retire la e-cigarette et je change de chaussures car mes sandales, ornées d’un très joli cercle en métal, couinent au contrôle, ce qui fait que je dois être pieds nus pour les rayons X.

Dans la queue pour le contrôle des bagages, je suis non seulement tendue mais énervée d’avoir a repasser ce contrôle. Je hais cette paranoïa d’aéroport qui suggère que nous sommes tous des terroristes. La tension monte et là, je craque. La fille flippée prend les commandes sans que le boss ne puisse intervenir. Je passe devant tout le monde en marmonnant que « je veux juste vérifier un truc » auprès de la fille qui gère la queue. Je n’ai pas le temps de lui dire que j’ai peur de rater ma correspondance qu’elle descend de son tabouret le bras levé dans la direction d’où je viens en m’y raccompagnant. Elle répète « vous ne faites pas ça, Madame, vous ne faites pas ça » et n’entend rien d’autre. J’ai transgressé, je ne dois pas. AUCUNE bonne raison à cela, c’est tout! Je tente un autre bonhomme en uniforme qui me suggère de faire la queue avec les premières classes. Je me fais jeter par la préposée première classe car je ne fais pas partie de ce monde, je reviens dans la première queue en ayant perdu évidement une kyrielle de places.

— Grosse maline, dit le boss.

Je respire un grand coup et laisse enfin sciement la place au Maître qui me répète que «tout va bien, tout va bien». Je ne peux m’empêcher de constater que je déteste ce monde de moldus où le mental ne sert qu’à une chose, empêcher la dame de couper la queue. J’ai connu une époque où prendre un avion était un truc tellement prestigieux qu’on se sentait comme des rois tout du long. La même scène à cette époque, et j’avais un steward pour moi tout seule qui m’accompagnait en priorité jusqu’à ma porte d’embarquement. Avec le low coast, la plèbe a envahi les aéroports et je ne suis plus une princesse. Zut, c’était mieux avant… Je m’amuse intérieurement et, prise dans mes pensées, je colle un peu trop le Japonais devant moi qui me fait signe de passer devant lui. Non merci, tout de même… lui dis-je avec un grand sourire. Je retrouve ma bonne éducation en ayant un peu honte.

Au moment de mettre mon sac dans les bacs pour les rayons X, la nana baragouine dans son menton que «pas besoin de tout sortir du sac» en s’adressant à la ligne bleue des Vosges, en biais, sans contact visuel avec moi ce qui me fait me demander si c’est bien à moi qu’elle parle. Je déteste ce mépris de certaines gens en uniforme!

Puis je regrette de n’avoir pas passé devant le Japonais, ça lui prend des plombes pour se faire scanner, il a des boutons à la ceinture de son pantalon qui bipent et le préposé n’est pas content du résultat de la machine. Quand enfin c’est bon et que je m’avance dans l’appareil, ce dernier fait signe de reculer. Je lui dis que mon avion est sur le point d’embarquer et il me dit qu’il n’est  pas «female», il ne peut pas me scanner. J’ai envie de mordre! Mais je m’en fous, moi, que tu sois pas female!!!!!!!! je hurle intérieurement tout en restant de marbre extérieurement. Je ne sais pas comment je fais.

Je répète aux uniformes qui veulent l’entrendre que mon avion va embarquer mais tout le monde s’en fout. L’un d’eux me dit «I knoooow» (je saaaais) avec commisération mais personne ne fait accélérer les choses. Une belle black arrive enfin pour remplacer le non-female d’avant — d’ailleurs, ce sont tous des blacks en uniforme ici. D’habitude, je n’observe pas ce genre de choses alors pourquoi ça me frappe? Bref, elle me tâte le dos après que la machine m’ait entièrement scannée, va savoir pourquoi. La machine a des défauts, elle ne scanne pas mes reins?— pfff, et c’est pour ça qu’il a fallut attendre? Le monde devient vraiment marteau. Toujours sans croiser mon regard, elle me demande d’un ton à la fois méprisant et plein de reproches si «je suis la grand-mère de ces enfants-là». Quels enfants-là? J’observe alors deux petits qui circulent gentiment dans nos jambes, et je réponds non, partagée entre le soulagement de ne pas être l’objet de son opprobre et la vexation d’être une «grand-mère». Heureusement, je ferme ma gu… bouche, mais intérieurement, je suis déchaînée.

— Bon, c’est bon? demande le boss. T’as fini ta crise? On se calme?
— Non, c’est pas bon! je réponds en ramassant toutes mes affaires pour galoper à la porte d’embarquement C95 dont je ne sais pas à combien de kilomètres de couloir elle se trouve.

Je reprends mon pas rapide et je frôle une femme qui n’a pas vu que j’allais la dépasser et qui vient de faire un pas de côté. Elle me houspille avec véhémence: «Exxxxxxkiüüüzme !!!!» et me traite de «badass» (mauvais cul, littéralement, ce qui me fait rigoler). Je l’ignore superbement, pas le temps d’une éventuelle altercation même si cette *onne n’avait aucune raison de se fâcher. N’empêche que là, tout de suite, je ne m’aime pas. Je n’aime pas New York, je n’aime pas l’immigration, je n’aime pas les queues, je n’aime pas les contrôles, je n’aime pas ce monde où il faut se méfier de son prochain. Marcher vite fait heureusement circuler mon sang échauffé.

Il est impératif que je passe encore aux toilettes avant d’embarquer et enfin, je me calme quand j’apperçois non seulement ces dernières mais juste après, la porte C95. Ouf! C’était de justesse, effectivement, on embarque.

Cette fois, j’ai deux charmantes voisines. Je souris, je salue et on s’installe pour quatre heures et demie de vol. Mon corps commence à protester. Comme dans le premier vol, je pique plusieurs sommes assez profonds mais pas très longs et ça me permet de digérer cette longue journée. Cependant, je ne sais plus quelle heure il est à mon horloge biologique, j’ai faim ou peut-être pas. Le siège n’est pas du tout aussi confortable, et une fois de plus, je suis fascinée: dans un troisième millénaire franchement entamé, on n’a pas encore réussi à concevoir des sièges confortables pour les avions. Ici, il y a une sorte d’oreiller rajouté sur le sommet du dossier qui fait partir la tête en avant. Impossible de trouver une position ergonomique. Je continue à pester, mais là j’ai l’excuse de la fatigue du voyage.

Je précise que je ne fais pas que râler. En parallèle, il y a la yoyageuse ravie et émerveillée, heureuse d’être de retour sur ce continent après… voyons, je calcule… 40 ans! Mince, elles ont passé où toutes ces décennies? Quarante que je voulais revenir, tellement j’avais aimé ça la première fois. Ça a dû changer. La voyageuse qui prend tout en photo virtuelle dans sa mémoire, qui se régale déjà des nuages, du ciel bleu de l’altitude de vol, même le bruit abrustissant de l’avion est un plaisir car il fait partie de l’aventure. L’océan qu’on traverse, la terre lointaine qui se rapproche et qu’on découvre de haut; mon âme de pionnière se régale et n’en perd malgré tout pas une miette. De l’avantage d’être parfaitement schyzo.

Mer de nuages à l'approche de Denver


Je me réveille d’un somme quand le commandant annonce la descente vers Denver. J’ouvre le hublot pour découvrir le Colorado et son paysage quasi désertique. Les grandes routes toutes droites qui traversent le pays de part en part, les grands espace. Ici, j’aime l’Amérique. Je suis étonnée, je pensais que ce serait plus vert. J’entame une conversation avec ma voisine qui me dit que les températures sont records cette année, le Colorado n’a jamais vu cela. Il fait 29 ou 30° au sol mais il a fait jusqu’à 35° et ça dure depuis un petit moment. Elle est de New York et vient voir son fils qui est venu au collège à Denver et qui n’est jamais reparti. Je lui raconte que je viens de Genève et que là, je suis contente d’arriver. Du coup, elle me prend sous son aile et me guide à travers l’aéroport, immense, jusqu’aux bagages après avoir pris un métro pour rejoindre le terminal principal. J’aurais aisément trouvé sans elle, mais je lui dis que j’apprécie d’avoir un guide. Je la quitte et nous nous souhaitons mutuellement un bon séjour quand je retrouve Hisako dans le hall. Super contentes de se revoir, nous prenons encore une navette pour Boulder à 50 minutes de conduite. J’adore le paysage! Le style des maisons est très particulier, à mi-chemin entre le style hollandais et un ranch bien western. Le cerveau en marmelade, je n’ai pas pensé à prendre de photo. Demain…

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Accueil super aimable à l’hôtel, nous posons les valises, puis nous allons manger une salade australienne dans un Outback tout près (chaîne restaurant australienne, donc). Un vrai repas avec une viande comme on trouve seulement en Amérique et des vrais légumes qui croquent. De retour à l’hôtel, la fatigue nous rattrape, je m’endors comme une masse à 21h30.

…Et bien sûr, je me réveille à 1h30, j’essaie de continuer à dormir, mais pas moyen. Je crève de faim! Il est 10h du matin à mon horloge biologique, alors j’écris un autre long article de blog, histoire de tuer le temps. Le corps suivra le mouvement comme il peut ces prochains jours mais on s’est dit, avec Hisako, que la prochaine fois, on prévoira un jour de battement avant un stage.

Il est 5h du matin, voyons si je peux gratter encore un peu de sommeil.












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