samedi 9 avril 2016

Ça commence très fort!


Départ de Cointrin, Genève
N’avais-je pas dit à qui voulait l’entendre, les jours précédents mon départ, que ma peur n’était pas celle de l’avion mais de rater l’avion?

Ça, c’est fait!

Tout avait pourtant très bien commencé. J’ai très mal dormi la nuit de jeudi à vendredi, normal. Réveillée vers 2h30, je n’ai pas réussi à me rendormir. J’ai somnolé un moment et puis à 4h et des minutes, je me suis fait un bon petit café avec une tartine.

J’ai pris le bus dès potron-minet et suis arrivée à l’aéroport à 6h15, soit deux heures trois quart avant le départ du vol. J'avais de la marge, mais j'étais rassurée. À 6h30, j’avais enregistré mon bagage et c’est un peu plus tard que Christina m’a rejointe, tôt, elle aussi un peu stressée au moment du départ.



À partir de là, tout est très bien allé. Contrôle des passeports, ouvrir les sacs, sortir les liquides d’un côté, l’informatique de l’autre, puis le transit et hop, l’embarquement. Un vol Genève-Amsterdam sans encombres, les vacances s’annonçaient bien.

Dans le port...
d'Amsterdam
Atterrissage à Amsterdam en douceur, ça prend des plombes à rouler sur le tarmac pour rejoindre le terminal. À un moment, la piste passe par-dessus l’autoroute. Intéressante expérience. Juste après, on double pratiquement un autre avion. Je suis en mode observation de l’insolite et je m’amuse beaucoup.

Doubler un autre avion
Nous avons le temps, il est 11h et le vol pour Seattle est à 12h50. En transit, nous nous offrons un petit café et une pause cigarette pour Christina. C’est que de nos jours, c’est compliqué de fumer. Elle a droit à une cabine en verre d’une contenance de 18 personnes dans laquelle 13 personnes sont déjà en train de tirer sur leur cigarette. Elle tire trois bouffées sur la sienne et revient avec l’impression d’avoir fumé un paquet entier, et son pull aussi.

Nous nous dirigeons tranquillement vers la gate D1 où notre vol est annoncé. Avant cela, surprise, il y a un contrôle de sécurité et une énorme foule devant. Gasp…. Une colonne est réservée aux «vols affichés sur ce tableau» et ça nous prend 5 minutes pour voir que le nôtre y est. Ce sont ceux qui vont partir imminemment. C’est qu’effectivement, l’heure approche. Il est presque 12h15. Il nous faut encore un quart d’heure pour passer le contrôle et nous arrivons à la gate D1. Une hôtesse nous dit que l’embarquement est terminé. QUOI ? Oui, parfaitement, on embarque une demi-heure avant le départ du vol. Néanmoins, elle nous conseille de nous précipiter vers la gate D2 pour «voir s’ils sont encore là». Deux hôtesses et un monsieur balaise nous disent que non, c’est raté. C’est tout juste si on ne pleure pas, mais il nous explique que nos bagages ont déjà été retirés de la soute, donc, même s'il le voulait, lui, c’est cuit.

Grand moment de suspension dans le vide.
Non, mais non, c’est pas possible, ça démarrait si bien!
Ben si. Je viens de rater le premier avion de ma vie. Ça manquait sur la liste des trucs à raconter à ses petits-enfants.

La suite est prévisible, nous faisons une nouvelle réservation. L’avion, c’est pas le bus, et d’Amsterdam à Hawaii, ce n’est pas direct, ni toutes les heures. Impossible dès lors de ne pas rater le vol pour Kona à 17h. Nous finissons par obtenir un Amsterdam-Minneapolis qui décolle à 15h10 pour prendre un Minneapolis-Los Angeles à 19h30 où nous arriverons vers 21h.

Aéroport de Minneapolis.
Grâce à la technologie moderne,
les menus de ce restaurant sont sur iPad.

Il faudra passer la nuit à Los Angeles pour prendre un vol pour Kona samedi matin à 9h et arriver à destination une quinzaine d’heures plus tard que prévu.

Ceci étant réglé au mieux, d’autant que non seulement cette nouvelle réservation n’est pas facturée, — l’aéroport assumant les difficultés du contrôle de sécurité — mais pour le même prix, je bénéficie d’une place «confort economy» où il y a un peu plus de place pour les jambes. Nous décidons de positiver un maximum et nous nous convainquons qu’il y a quelque part une excellente raison à cet événement. L’avenir nous le dira.

L’avenir m’offre tout de suite un moment d’anthologie. C’est que cette fameuse gate D1 n’est pas une porte d’embarquement, c’est — encore — un contrôle en vue d’arriver aux USA. Je ne m’y attends pas du tout, et je donne ma carte d’embarquement comme juste avant de monter dans l'avion. S’ensuit le dialogue suivant avec un homme plutôt charmant mais d’un premier abord ambigu.

Christina est à côté de moi et elle se dirige vers le comptoir suivant qui est libre, histoire de gagner du temps. Le monsieur ambigu me demande ce qu’elle fait et si nous sommes ensemble. Je dis oui, je ne sais pas, il lève les yeux au ciel, je modère mes réactions, je préfère ne pas plaisanter avec la parano des Américains. Même si ce monsieur est sûrement pas hollandais…

— Contrôle du sac.
— ???
— Est-ce que ce sac est à vous?

J’ai un gros sac en bandoulière qui contient de quoi survivre à un voyage de 22 heures, dont mon informatique et tous mes trucs de fille. La question me semble particulièrement idiote. Néanmoins, je réponds tout à fait poliment.

— Oui.
— Vous l’avez fait où ?
— ????
— Où avez-vous fait ce sac?
— À Genève.
— Oui, mais où ?
— Je ne comprends pas votre question…
— Où vous êtes-vous réveillée ce matin?
— À Genève, en Suisse. Je viens de Suisse.
— Oui, mais c’est quoi, Genève, c’est l’univers? La galaxie?

Non seulement il est ambigu, mais je commence à penser qu’il est complètement fou. Ou c’est moi. Il est néanmoins détendu et il sourit, même s’il s’impatiente un peu; n’empêche que je commence à flipper grave, je ne COMPRENDS RIEN à ce que je suis en train de vivre. Après avoir répété le dialogue ci-dessus encore une ou deux fois avec des variantes, il prend une grande inspiration et me redemande où je me suis réveillée ce matin.

— À Genève
— C’est quoi, Genève, pour vous?
— La maison...? («Home»)

Il lève les yeux au ciel en signe de victoire, car j’ai enfin prononcé le mot magique.
MAIS IL FALLAIT ME DIRE QUE C’ETAIT UN JEU ET QUE JE DEVAIS DEVINER LE MOT JUSTE!!!!

Maintenant que j’ai compris à quoi on jouait, ça se passe mieux :

— C’est vous qui avez fait votre sac?
— Oui.

«Non, c’est ma mère. À mon âge, je ne sais pas encore faire…»
«Arrêêêête!»

— Et vous êtes venue comment à l’aéroport?
— En bus.

«Il veut mon numéro de culotte aussi? C’est quoi ces questions?»
«Ta gueule, Patricia, je t’en supllie, ne dis rien!!!!!»

— Et vous l’avez toujours eu sur vous depuis votre départ?

Je mets une demi-seconde à chercher à comprendre la question.

«Cherche pas, réponds sans réfléchir!»

— Oui.
— Personne ne vous rien offert?

Lààà, je commence à comprendre. Le monsieur ambigu veut savoir si y’aurait pas un vilain terroriste qui m’aurait glissé une arme dans mon sac pendant un moment d’inattention ou en m’offrant une grosse boîte de chocolats que j’aurais acceptée, bien sûr, quoi de plus normal de la part d’un inconnu bronzé avec une grosse moustache et une serpillère sur la tête que de m’offrir des chocolats à 6h30 du matin, boîte que je n’aurais pas ouverte tout de suite, disons que je l’aurais gardée pour plus tard, et là, surprise, sans que je ne m’en doute une seconde avant qu’un ambigu ne me pose la question, on se rendrait compte qu’il aurait une kalachnikov dedans ou une bombe…

J’hésite à dire que Christina, la dame bizarre qui vient de changer de colonne, m’a gardé mon sac pendant que j’allais faire pipi, mais l’état-major ordonne sèchement «NON. Tu déconneras plus tard sur ton blog si tu veux, mais pour l’instant, tu te la coinces».

Je sais que mon état-major a raison et j’obtempère, tout en souriant, parce qu’on commence à bien s’amuser avec le monsieur ambigu…

— Non, personne ne m’a rien donné.

Il est content, il a toutes ses réponses. Il me colle un joli petit auto-collant bleu sur le passeport, me tend un ticket avec le numéro de la porte d’embarquement:

— La porte d’embarquement se trouve quelque part dans cet aéroport, me lance-t-il.
— Parfait, je trouverai bien. J’ai déjà manqué un avion, je peux bien en manquer un autre.

On rigole et il me souhaite bon voyage et bonne chance après avoir tout de même précisé gentiment la direction de la gate D51, à l’autre bout de l’aéroport, bien sûr.

Là, il y a un wifi gratuit que j’utilise pour avertir l’hôtel et Esmeralda, la fille avec qui je vais partager la chambre, de notre retard.

Et puis la vie reprend son cours. Dans la queue pour embarquer, on rencontre Maureen, une américaine super sympa qui a été aussi déroutée que nous par la D1. Ça nous a rassurées, avec Christina. C'est pas seulement nous.

J’écris cet article alors que nous sommes quelque part au-dessus de l'atlantique et que ça secoue. Je pense à Audrey, à qui je disais hier que j’adore l’avion, sauf quand ça secoue, et qui me répondait qu’elle, elle adore.

— Je me crois sur les montagnes russes.

On peut le voir comme ça.

Faudra que j’en parle à Evelyne. Mais je crois qu’elle n’aime pas non plus les montagnes russes.

En forme d’épilogue, je signale encore que j’ai fermement déclaré à Christina qu’elle fait ce qu’elle veut, mais moi, il n’est pas question pour moi d’attendre le vol pour Kona ailleurs que devant la porte d’embarquement. Je passe la nuit dans l'aéroport de Los Angeles, je m’en fous!

Coucher de soleil au départ de Minneapolis

Je ne peux m'empêcher de me questionner sur la signification de signe...
«Réacteur interdit aux humains»?


Il pleut à Los Angeles en dépit de la chanson qui dit qu'il ne pleut jamais en Californie











































2 commentaires:

  1. Trop cool, ton histoire... J'ai adorée, j'ai surtout bien rigolée. Je m'en souviendrais quand ce sera mon tour de m'envoler vers les usa - via Amsterdam aussi.
    J'ai hâte de lire la suite. Plein de bises.
    Ines

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  2. Trop drôle!j'adore! j'espére que tu me raconteras cela à Genève j'arrive le 20 mai ! bisous

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Voyages en tous genres d'une citoyenne temporaire de la planète Terre. Commentaires bienvenus, mieux encore s'ils ne sont pas anonymes.