Coup de soleil

Le temps est couvert au lever du jour. Encore une journée paisible et langoureuse, nous n'avons pas d'autre projet que de laisser la vie nous arriver. Hier, une fille du groupe qui habite pas loin nous propose ce soir un apéro chez elle, sur sa terrasse avec vue imprenable ...alors que chez nous, je crois l'avoir mentionné, il y a une stupide — mais vraiment stupide! — haie de palmiers qui bouche la vue. Elle (la copine, pas la haie) explique que c'est probablement le seul soir où ce sera possible compte tenu des prévisions météo et de son séjour qui touche à sa fin. Hélas, nous avons déjà prévu un repas avec Harold qui arrive d'Orégon, un ami de Mary Beth qu'elle veut nous présenter et qui va participer au stage qui commence demain. Je médite là-dessus et je déclare à mes amies:

— C'est pas génial, la vie comme ça? Notre seul «souci» est de savoir comment on va goupiller un repas entre amis et un apéro coucher de soleil? Grosse question existentielle! Je veux vivre comme ça tous les jours, moi!

De fait, j'enregistre une décision prise dans mes cellules que quelque chose est en train de changer dans ma vie. Tout à l'heure, j'ai furtivement pensé à mon retour dans le froid de Genève et de cet hiver qui n'en finit plus d'être glacial, j'ai visualisé la routine, le travail qui draine l'énergie et ne donne aucune satisfaction... No more. Je ne veux plus cela.

Holà, petit mental, on se calme! Le retour, c'est dans quinze jours. Il peut se passer des milliards de choses d'ici là, et puis le présent, c'est ici et maintenant, sous les tropiques par 26° et grand soleil qui vient de se montrer. Fi donc de la glaciation aux antipodes d'où je me trouve! Comment c'est, déjà? Le passé, blabla, le futur, gnagnagna.... et le présent est un cadeau à déguster chaud. Quelque chose comme ça. Bref. Bain, fignolage du bronzage et restau ce soir, voilà la mission du jour. Je vais pas me gâcher mes vacances avec des idées grises, tout de même!

Je commence par un énorme bain au sel d'Epsom dans la baignoire à jets. Divin! Ensuite, je m'allonge sur la chaise-longue avec un verre d'eau glacée et je savoure le concert des oiseaux, l'oiseau rouge me faisant grâce d'un solo de temps à autre.

Ah zut, je me suis assoupie en plein soleil et j'y suis restée un chouia trop longtemps. J'ai mal à la tête, mais quand je me croise dans le miroir, j'ai pris trois tons de bronzage d'un coup!

Ce soir, nous sommes sept autour de la table de restaurant, l'ambiance est joyeuse et le repas est délicieux! Est-ce mon mal de tête que je n'ai pas réussi à chasser ou est-ce que je deviens plus sensible? Je trouve la soirée bruyante et ça m'assombrit un peu. Les idées grises de ce matin se faufilent à nouveau dans mon esprit et, avant de m'endormir, je médite sur la vie — mon sport préféré.

Mon état de grâce disparaîtrait-il déjà? Voilà que je stresse à l'idée de retomber dans un état moldu. Que s'est-il passé pour ma joie descende d'un octave? Ce matin, je me suis coupée le doigt avec un couteau. Plus tard, je me suis enfoncée une écharde sous l'ongle et, en me faisant les ongles, j'ai renversé la bouteille de vernis sur les draps. Il a fallu intervenir très vite et changer mes draps. Dissonnance, irritation... Que m'arrive-t-il?

Rien, c'est comme ça. Des fois, dans le ciel bleu, un nuage passe. Non, je me rassure. Rien qu'une bonne grande respiration ne remette à sa place. En fait, ces rides à la surface de mon lac de bonheur me permettent de constater la présence une nouvelle sensation. C'est comme si une pierre précieuse nouvelle venait d'être déposée en moi qui ne pourra jamais m'être enlevée. Elle arrive avec une fréquence nouvelle et réclame une harmonisation avec le reste de mon être; ça vient de provoquer quelques fausses notes, mais c'est à cela que ça sert, les répétitions. Une nouvelle certitude est en moi que rien, plus jamais, ne pourra mal se passer. Etrange... Et tout à fait bienfaisant.

C'est bien les vacances!