mercredi 7 février 2018

La Haie

J'ai un gros truc sur l'estomac dont il faut que je parle. La Haie.

Nous logeons, je l'ai déjà dit, dans une maison Air BnB réservée depuis chez nous sur photos. Quand Mary Beth nous en a parlé, j'avoue, je n'ai pas été soulevée d'enthousiasme, mais le lieu paraissait correct et comme elle avait fait toutes les recherches et que le prix était abordable, j'ai décidé de ne pas faire ma mijaurée. L'esthétique intérieure laissait à désirer à mon sens, mais après tout, on allait pas emménager définitivement.





Donc, vue imprenable.




On a eu une petite averse, cet après-midi

Arrivées sur les lieux, j'ai été drôlement étonnée. Nettement mieux que sur le site web! Les — ou plutôt la photo du jardin était peu éloquente, le découvrir sur place est une bonne surprise. Bordé d'une haie de petits palmiers et de plantes locales, il est divin! Le premier matin, un oiseau rouge écarlate est venu donner sa sérénade, bref, un petit paradis.

La Haie


Sauf... La haie. Le lotissement est sur une pente plutôt raide, les maisons sont construites en terrasse et chacune dispose d'une vue imprenable sur l'océan. Non, mais j'insiste: on n'eût pu faire mieux! Quand je dis «on», je pense à ....Dieu! Cette création est tellement parfaite qu'il ne peut s'agir que d'une main divine. Les humains n'ont fait qu'apporter un peu de ciment pour construire la maison et des tractopelles pour aménager la terrasse. La vue, la nature, le volcan, la lave, tout cela est d'ordre surhumain! On s'incline et on savoure! Le jardin d'une maison dépasse tout juste la toiture de la suivante en contrebas. C'est un véritable amphithéâtre où chaque place est de première classe. Toutes ces terrasses sont aménagées de façon à savourer le specatacle quotidien, chaque fois différent: le coucher de soleil dans les îles! Quoi de plus beau?

Et là, dans la maison que nous occupons, les propriétaires ont fait pousser une haie qui bouche la vue sur les voisins. «Pour une question d'intimité» me dit Mary Beth contre quoi je m'insurge avec véhémence. Non, vraiment, c'est d'une connerie sans nom! L'intimité est largement suffisante avec une petite haie à hauteur des genoux. Auraient-ils laissé cette petite haie pousser sur toute la longueur, on ne voyait pas les voisins dans leur jardin, mais on ne manquait pas un atome d'H2O ni un photon du panorama au loin. Quant aux voisins, ils apercevraient peut-être nos têtes au-dessus de la haie quand nous déambulons sur notre terrasse, mais qui serait assez stupide pour faire le voyeur dans cette direction? C'est à 180° du vrai spectacle!!

Juste terrasse no 1 sans rien pour boucher la vue

Juste terrasse No 2

Bref, ça fait trois soirs que je râle pour cela, j'ai le choix: soit je coupe la haie, soit je fais un safari photo au coucher du soleil. Je vais plutôt choisir le safari et je vais me la coincer, parce que c'est bon, j'ai dit ce que j'en pensais et râler pollue avec des mauvaises vibrations.

Non, mais, sans blagues — j'ai pas fini! — ça en dit long sur la conscience collective, non? Offrez aux humains un paradis, ils le clôturent pour conserver leur intimité, marquer leur territoire, indiquer qui c'est le patron où ça, «propriété privée, n'entrez pas, interdit, pas permis». Gros soupir. Je ne suis décidément pas de ce monde. Un jour, j'ai osé dire que «la planète est à tout le monde» à des petits propriétaires d'un vignoble grand comme un mouchoir de poche sur un coteau dominant un lac magnifique. Je me baladais tous les matins dans ces vignes, savourant le panorama. Une quinzaine de jours avant les vendanges, le lieu devenait «à ban» pour dissuader la grapille. Me sachant honnête, j'avais tout de même emprunté mon chemin habituel et butté sur un gros garde-chasse — pardon, garde-raisin qui m'avait fait faire demi-tour. — Notez en passant qu'il y a des gens payés pour faire ce métier! — J'avais raconté cela à mes voisins, oubliant leur statut de petits propriétaires étriqués.

— Ah non, c'est pas comme ça que ça se passe, c'est communiste, de dire ça !

J'ai eu soudain l'impression de me trouver sur la planète des singes. N'empêche que depuis mon A380, en venant ici, je n'ai pas vu les frontières au travers du hublot. Désolée, mais je n'arrive toujours pas à comprendre comment on peut s'approprier un coin de planète. Ou une source. Ou  une étoile!

Juste une seconde, imaginons un monde où on se partagerait les ressources et où la survie ne serait pas payante. Parce que pour tout dire, cette maison paradisiaque dans laquelle nous logeons semble traverser une crise. Nous avons trouvé une sommation de payer les traites sur la porte en arrivant et des gens viennent la visiter car elle est en vente. Cet adorable logement n'est donc pas rien qu'un paradis, pour quelqu'un, c'est une source de gros problèmes. Est-ce vraiment juste? Ne pourrait-on pas faire autrement?

Oui, bon, je sais, «c'est communiste»... Et en quoi c'est mal de vouloir le même luxe pour tous? Moi je dis que c'est humain de penser comme ça.

Cela dit, je pars en safari photo, le coucher de soleil n'attend pas.







Il a fallu attendre le réparateur de l'air conditionné qui a mis du temps à déterminer qu'il y a avait une fuite de gaz. Pour réparer, il lui faut l'aval de la propriétaire qu'il n'arrive pas à joindre. Impossible pour lui de revenir demain, il viendra finir le travail vendredi. Encore deux jours sans clim'. On tient le coup, pas le choix, bien qu'il ait fait soudain très chaud vers 15h. Et puis subitement, les nuages se sont amoncelés, il a fait un orage express et la température est tombée d'un coup.

Nous prenons la voiture pour aller faire quelques courses, et nous nous achetons toutes les deux une chemise hawaiienne. Sous ses airs de carte postale, l'archipel vit la même crise que le reste du monde. Ici, le tourisme est encore florissant, mais j'ai connu des étés sur la Côte d'Azur bien plus opulents. De fait, la gérante de la boutique de tissus hawaiiens nous glisse que «c'est un pays du tiers monde, ici» et qu'elle retourne au Texas dans deux mois pour y prendre sa retraite. Il n'y a pas si longtemps, c'étaient les Texans qui venaient prendre leur retraite à Hawaii. Le monde bouge...







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