mercredi 26 juin 2019

Excursion intérieure

Rien de particulier ces deux jours, Mary Beth travaille et nous nous occupons dans la maison. Décidément, ce voyage est bien plus intérieur qu'extérieur et je suis assez contente d'avoir du temps pour penser.

Il se passe en moi des choses assez difficiles à mettre en mots, surtout sur un blog public, mais l'envie de le partager est là. Disons que je me débarrasse encore et encore de bagages passés et d'autres qui ne m'appartiennent même pas. On parle de conscience de masse qui pèse sur nous bien plus que nous en avons généralement conscience. Me promener dans un pays qui n'a pas le même inconscient collectif que «nous» — disons en Europe — me fait prendre conscience de beaucoup de choses. Un exemple, une pancarte dans une navette vers un site touristique :



Traduction :

1. NE JAMAIS COURIR APRES UN BUS OU APPROCHER UN BUS QUAND LES PORTES SONT FERMEES.
Si vous manquez un bus, merci d'attendre le suivant. Soyez à l'arrêt du bus cinq minutes avant l'heure et restez au minimum à quatre pas de géant de son point d'arrêt.

2. SI VOUS AVEZ UN VELO, VOUS DEVEZ AVERTIR LE CHAUFFEUR AVANT DE LE METTRE DANS LE PORTE-BAGAGES ET AVANT DE L'EN RETIRER.
Le porte-bagages est situé sur l'avant et l'arrière des bus. Le chauffeur peut ne pas toujours vous voir.

3. SOYEZ POLIS ET RESPECTUEUX DES AUTRES.
Pas de blasphèmes ou de grossièretés. Ne criez pas. Gardez la tête et les bras à l'intérieur du bus. Pas de calomnies. Le chauffeur vous priera de descendre au prochain arrêt si vous vous comportez mal. Un trajet dans ce bus est un privilège non un droit.

4. EN DESCANDANT DU BUS, MARCHEZ VITE MAIS NE COUREZ PAS.
Prenez quatre pas de géant à l'écart du bus. Restez sur le trottoit et attendez que le bus parte, ensuite, si vous avez besoin de traverser la route, regardez des deux côtés pour vous assurer que c'est sans danger.

J'avoue, ça me fait monter les tours. Je suis de la vieille école, j'ai été éduquée par mes parents et tout cela va sans dire pour moi. Je suis étonnée qu'il soit nécessaire de le préciser dans un bus public; je suis scandalisée par l'interdiction de blasphémer.

Et puis je prends une grande respiration.

Première chose, je me rends compte à quel point je me sens libre dans mon pays et à quel point le pays qui se prétend celui de LA liberté en manque singulièrement. Big Brother nous regarde et nous surveille d'un oeil sévère sur ce continent...

Depuis quelques jours, plein d'épisodes de ce genre réveillent en moi des mémoires de répression. Des abus de toutes sortes et surtout de complicité collective. Je regarde la série The handmaids tale (La servante écarlate), une histoire assez affreuse d'abus de la femme avec soumission collective. Une en moi s'insurge et se rebelle. Si je la laissais se manifester, elle descendrait dans la rue en hurlant des slogans, elle ferait un bruit phénoménal pour changer les choses et que cesse cet abrutissement collectif où tout le monde s'en fout. Mais cette chose ne m'appartient pas. Rien dans ma vie n'est relié à une telle injustice. De longue date, j'ai choisi ma liberté. Rarement je me suis conformée aux restrictions collectives tacites. Je fais mon chemin en conscience et si parfois, il est étroit par la force des choses, je m'y conforme le temps de trouver une échappatoire. C'est sciemment que j'ai refusé un emploi contraignant et mal payé même au pire de mes moments de dèche. C'était et c'est toujours une réelle prise de position politique. Non, je ne serai jamais caissière de supermarché à 48 heures par semaine et 3000 CHF par mois. Au risque de me faire jeter des pierres, je souhaite vivement que l'intelligence artificielle remplace très vite ce job dégradant. Je suis de ceux qui favorisent la caisse automatique. Trouvons d'autres solutions pour gagner de quoi payer les factures, reparlons du Revenu de Base Inconditionnel, réfléchissons hors cadre, allons plus loin: éliminons les factures!

J'entends déjà les réactions: utopiste, irréaliste, naïve, ...folle. Oui, je suis tout cela. Je trouve bien plus fou d'accepter sans broncher la décadence galopante que nous vivons depuis quelques décennies, pour tout dire.

Voilà. L'orage (la-rage) est passé. Je me calme. Cette pancarte est comique, finalement. J'intègre ces énergies grâce à l'idée que ce n'est pas à moi que cela s'adresse et je focalise sur le plaisir du jour. Je suis dans une belle grande maison à Santa Fe avec tout le confort moderne que j'aime en compagnie des deux meilleures amies du monde. Nous découvrons des coins de pays absolument fantastiques, que demander de plus? Le reste du monde peut marcher comme il veut, c'est son droit, qui suis-je pour vouloir le changer? D'autant que si j'ai le pouvoir de créer le mien, de monde, je n'ai aucun pouvoir sur celui des autres, alors à quoi bon?

Et ainsi je retrouve ma sérénité avec un peu plus d'espace intérieur encore.
Ma vie est belle.

Et le voyage continue.



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Voyages en tous genres d'une citoyenne temporaire de la planète Terre. Commentaires bienvenus, mieux encore s'ils ne sont pas anonymes.